Les conflits d’intérêts sont partout

26 mai 2011

Médiator® et Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS), grippe A (H1N1) et Organisation mondiale de la Santé (OMS), diabète de type 2 et Haute Autorité de santé (HAS)… l’actualité récente a été riche de mises en cause relatives aux conflits d’intérêts en santé publique… Les experts et les agences sanitaires sont-ils vraiment seuls concernés ? Pas vraiment… Les conflits d’intérêts en effet, sont potentiellement présents à tous les niveaux de la chaîne. Eléments d’explications.

A l’occasion du colloque « Les événements de l’Année en Bioéthique », organisé par le Journal International de Bioéthique, une large place a été accordée aux conflits d’intérêts et à leur gestion. Le Pr Michel Detilleux, du service de médecine interne de l’hôpital Cochin à Paris, fait pour sa part une distinction entre ‘liens d’intérêts’ et ‘conflits d’intérêts’. “Les liens sont inévitables, mais il faut éviter le conflit” explique-t-il en effet, comparant ces situations à une gaine électrique dont les isolants empêchent les “courts-circuits entre conducteurs positif et négatif”..

A tous les niveaux

Le Pr Patrick Berche, doyen de la faculté de médecine Paris-Descartes va plus loin en soulignant que des conflits d’intérêts peuvent surgir à tous les niveaux de la chaîne du médicament. Ils peuvent survenir dès le déroulement des essais cliniques et de leur publication dans des revues scientifiques. “La source de l’information elle-même, c’est-à-dire l’étude en question, peut poser problème” a-t-il expliqué. “Il peut exister des biais dans le recrutement ou l’exclusion des patients, un manque de rigueur dans le déroulement du protocole ou de l’analyse statistique.

Sur ce point, le Pr Berche ne manque pas de propositions. Il préconise notamment un accès libre aux données brutes (qui permettrait à d’autres équipes de reproduire l’expérience). Mais aussi la publication non seulement des résultats positifs mais aussi des résultats négatifs. Voire un examen plus rigoureux des résumés de ces publications, qui sont parfois en contradiction avec les résultats détaillés de l’étude…

Concernant les agences sanitaires et les experts, le Pr Berche insiste sur l’importance de rendre les liens d’intérêts accessibles sur Internet. Les experts doivent également être indépendants et sans liens contractuels avec un laboratoire pharmaceutique, et les décisions politiques ne doivent pas primer sur les considérations d’ordre médical.

Les médecins – pas seulement les experts – ne sont pas à l’abri de ces liens d’intérêts. L’industrie pharmaceutique en effet, intervient dans leur formation continue, ainsi que dans leur information quotidienne par l’intermédiaire de la visite médicale. Or souligne Patrick Berche, “pour le grand public un bon médecin est certes d’abord un savant, quelqu’un qui ‘sait’, mais aussi quelqu’un qui fait preuve d’empathie et de probité.” Le Dr Michel Legmann, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, s’inscrit également dans cette perspective. Et il ajoute volontiers qu’”il n’est pas possible de se passer de l’industrie dans la formation médicale continue (FMC), mais des règles encore plus transparentes doivent être établies.

  • Source : Les événements de l’Année en Bioéthique », organisé par le Journal International de Bioéthique, 20 mai 2011, Paris.

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