Les criminels confondus par les poils de leur chat ?
08 novembre 2023
Confondre des criminels grâce à l'ADN provenant des poils de leur animal domestique… Et pourquoi pas ? Des chercheurs britanniques de l'Université de Leicester y sont parvenus à partir de poils de chat.
En 2022, la France comptait plus de 15 millions de chats domestiques, et l’Ecology Global Network estime qu’il y a au moins près de 600 millions de chats sur Terre. Au Royaume-Uni, environ 26 % des ménages possèdent un chat. Il est donc fort probable qu’un criminel en possède ou en côtoie un. Par conséquent, collecter des poils de chat sur une scène de crime, ou dans un endroit où un suspect aurait séjourné, est en soi une excellente idée. Cependant, cette approche se heurtait jusqu’à présent à des difficultés techniques. En effet, contrairement aux cheveux et aux poils humains, les poils de chat se détachent sans leur bulbe. Par conséquent, il était difficile de prélever un ADN suffisamment informatif.
Les poils de chat, une preuve dans les enquêtes médico-légales
Dans un article publié dans la revue Forensic Science International : Genetics, les chercheurs décrivent une méthode sensible capable d’extraire un maximum d’informations à partir d’un simple poil de chat, comme l’explique Emily Patterson, l’auteure principale de l’étude et doctorante à Leicester : « les poils perdus par votre chat n’ont pas de racine ni de bulbe. Par conséquent, ils contiennent très peu d’ADN exploitable. En pratique, nous ne pouvons donc analyser que l’ADN mitochondrial (présent dans les mitochondries, ces centrales énergétiques situées à l’intérieur de la cellule). Celui-ci se transmet de la mère à sa progéniture et est partagé entre les chats apparentés à la mère. Cela signifie que l’ADN des poils ne permet pas d’identifier un chat de manière individuelle. Maximiser la collecte d’informations était donc essentiel pour son utilisation à des fins médico-légales. »
Afin d’accroître la précision de leur test ADN, les chercheurs ont donc développé une nouvelle méthode capable de déterminer la séquence complète de l’ADN mitochondrial. Ce dispositif garantit ainsi un niveau de discrimination jusqu’à dix fois supérieur à celui des techniques précédemment utilisées, qui se limitaient à un fragment trop court de cet ADN.
Bientôt les mêmes progrès pour les poils de chien ?
Le Dr Jon Wetton, du département de génétique et de biologie du génome de l’université, qui a codirigé l’étude, illustre cette avancée : « dans une récente affaire de meurtre, nous avions appliqué la technique habituelle. Cependant, nous avons eu cette chance que le chat du suspect présentait une variante mitochondriale rare. Sans cette particularité, la plupart des lignées de chats ne pouvaient pas être distinguées les unes des autres. Avec notre nouvelle approche, cependant, pratiquement tous les chats possèdent un type d’ADN que l’on peut désormais qualifier de rare. Par conséquent, le test sera presque certainement toujours informatif si des poils sont trouvés. »
Le co-responsable de l’étude, le professeur de génétique Mark Jobling, ajoute : « dans les affaires pénales où il n’y a pas d’ADN humain disponible à tester, les poils d’animaux deviennent une source précieuse de preuves reliant le crime et le criminel, et notre méthode la rend beaucoup plus puissante. La même approche pourrait également être appliquée à d’autres espèces, y compris les chiens. »
Alors qu’un félin moyen perd des milliers de poils chaque année, un seul poil contient donc suffisamment d’ADN pour relier un suspect à une scène de crime ou à une victime.
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Source : Patterson E C, Lall G M, Neumann R, et al. Defining cat mitogenome variation and accounting for numts via multiplex amplification and Nanopore sequencing. Forensic Science International: Genetics 67 (2023) 102944.
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Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par : Emmanuel Ducreuzet