Les médecines traditionnelles au banc d’essai

10 janvier 2003

L’OMS a lancé sa première « stratégie mondiale » pour évaluer l’innocuité et l’efficacité des médecines populaires ou traditionnelles. Et pour éventuellement favoriser et harmoniser leur développement. Dans les pays en développement, plus de 80% de la population y a recours !

Pourtant, ces pratiques ne sont pas réservées aux pays défavorisés. Elles remportent également un franc succès dans les pays industrialisés. En France, trois personnes sur quatre y ont déjà eu recours. Le Canada compterait 70% d’adeptes, l’Australie 48% et les Etats-Unis, 42%. Autre exemple tout aussi évocateur : en Allemagne, 77% des services traitant la douleur proposent l’acupuncture – d’ailleurs reconnue en France aussi – dans la panoplie des soins disponibles. « La médecine traditionnelle peut être victime aussi bien d’un enthousiasme dénué d’esprit critique que d’un scepticisme mal informé » résume le Dr Yasuhiro Suzuki, Directeur exécutif de l’OMS. « Notre stratégie a pour but de tirer profit de son véritable potentiel pour améliorer la santé et le bien-être du public. Tout en minimisant les risques liés à une mauvaise utilisation des remèdes ou une efficacité qui n’a pas été prouvée ».

La compilation de 12 études sur le recours aux médecines alternatives a montré des divergences considérables mais une seule constante : les médecines parallèles « montent ». Toutes les disciplines ont été étudiées, de l’hypnose à l’homéopathie en passant par les massages ou la phytothérapie. Même si elles coûtent cher, elles attirent le public. Il est plus préoccupant de noter qu’une proportion appréciable des utilisateurs n’en informe pas leur médecin traitant. Dans certaines circonstances, cette omission peut les exposer à des risques réels.

Ne pas confondre médicaments et compléments alimentaires

Et surtout, on doit se garder de toute confusion. Rien n’est plus dangereux que le « mélange des genres ». Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens vient ainsi de rappeler solennellement que le public « (ne doit pas pouvoir) accéder directement aux médicaments des laboratoires Arkopharma ». Jean Parrot, président du Conseil mais également de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP) nous a expliqué le pourquoi de cette mise en garde. Car le Code de la Santé publique stipule que dans une officine, les médicaments doivent toujours être placés derrière le comptoir, hors de portée directe du public.

Or l’an passé les laboratoires Arkopharma – spécialisés dans les compléments alimentaires et la phytothérapie – ont obtenu des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour deux spécialités à base de millepertuis : Arkogélules Millepertuis et Procalmil. Il s’agit de médicaments à part entière et comme tels, ils doivent être distribués sous couvert de la déontologie pharmaceutique. En outre, associés à d’autres traitements comme les antirétroviraux, les anti-vitamine K et la ciclosporine ils peuvent entraîner des accidents graves.

Voilà pourquoi il est dangereux – et pas seulement anti-déontologique – de les mêler à des compléments alimentaires. Or d’après Jean Parrot, « ces deux spécialités se trouvent encore sur des présentoirs où elles sont mélangées avec des compléments alimentaires. Elles devraient normalement être derrière le comptoir, avec les autres médicaments. Elles ne doivent en aucun cas être en libre-service. Malheureusement je ne peux pas vous dire aujourd’hui si mes collègues ont fait le ménage dans leur officine, je n’en suis pas sûr. » Il appartient donc au public d’être particulièrement vigilant…

Quand la phytothérapie devient dangereuse…
Michael Ang-Lee, anesthésiste à l’Université de Chicago a recensé 8 plantes susceptibles de provoquer des conséquences post-opératoires aussi graves que des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ! L’Echinacea, l’Ephedra, l’ail, le Ginko biloba, le Panax ginseng, le Kava Kava, le millepertuis et la valériane.

La consommation de Panax ginseng ou d’ail doit cesser une semaine avant l’intervention, pour éviter une hypoglycémie ou des hémorragies. Et si le millepertuis diminue l’effet de certains médicaments, l’Echinacea peut entraîner un déficit immunitaire. Ou une stimulation immunologique qui se traduira par des manifestations allergiques. Quant à l’éphédrine, son utilisation dans les 24 heures précédant une intervention entraîne des risques cardiaques ou cérébraux.

Les suppléments alimentaires sous la loupe !
Une enquête sur plus de 1 600 patients est menée aux Etats-Unis pour déterminer si certains suppléments alimentaires peuvent être utiles dans la prévention de l’arthrose. Pour la première fois, un essai contrôlé fondé sur des critères rigoureux va permettre de répondre à deux questions : « est-ce que cela marche ? » et « quel bénéfice le patient peut-il en retirer ? » Au total, 13 centres cliniques unissent leurs efforts pour évaluer deux substances – la chondroïtine et la glucosamine – préconisées dans la prévention de l’arthrose.

Le carotène en comprimés ? Sans intérêt !
Les petites pilules de carotène « qui préparent la peau au bronzage » ou « qui permettent de prévenir les cancers », c’est bien fini. Le Centre international OMS de Recherche contre le Cancer de Lyon met en garde, depuis plusieurs mois, « contre l’utilisation de compléments alimentaires dans le cadre de la prévention du cancer », déconseillant « la promotion des comprimés de caroténoïdes. »

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