Les nouveaux anticoagulants oraux en pleine tempête
20 septembre 2013
« Les NACO, le nouveau Médiator ? » Le Syndicat des Jeunes Biologistes Libéraux (SJBM) a trouvé un titre choc pour alerter l’opinion sur les risques associés aux nouveaux anticoagulants oraux (NACO). Des risques, faut-il le préciser, jusque-là signalés par les autorités sanitaires, la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM). Lesquelles n’ont pas attendu le SJBM pour appeler les médecins au strict respect des indications de l’autorisation de mise sur le marché (AMM)…
D’une manière générale, les anticoagulants sont des médicaments utilisés pour fluidifier le sang et prévenir la formation d’un caillot, diminuant notamment le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Jusqu’à ces dernières années, les médecins ne disposaient que des anti-vitamines K (AVK); la vitamine K étant l’un des facteurs impliqués dans la coagulation.
4 000 morts par an sous AVK. Ces médicaments ont largement démontré leur efficacité. Pourtant, ils sont extrêmement difficiles à manier. Chez un même patient, le niveau de coagulation peut en effet varier d’un jour à l’autre dans des proportions importantes. Pour le surveiller, le malade doit donc une à deux fois par mois, se rendre dans un laboratoire d’analyse de biologie médicale pour une prise de sang. Si son traitement n’est pas parfaitement stabilisé, il est exposé à un risque hémorragique important : les accidents sous AVK viennent au premier rang des accidents iatrogènes, avec 13% des hospitalisations pour effets indésirables médicamenteux, soit environ 17 000 hospitalisations par an. Et près de 4 000 morts !
Plus besoin de prises de sang. Dans ces conditions, l’arrivée de nouveaux anticoagulants plus simple à manier, n’exigeant pas de prises de sang régulières était attendue par les médecins comme par les patients. Actuellement trois molécules sont disponibles sur le marché : Eliquis® (apixaban), Pradaxa® (dabigatran étexilate) et Xarelto® (rivaroxaban). Elles sont particulièrement puissantes si bien que les autorités sanitaires ont progressivement restreint leurs indications et développé des recommandations d’usage contraignantes.
Trop de prescriptions hors-AMM ? Il semblerait toutefois que les prescriptions hors-AMM se développent excessivement. Le 9 septembre dernier, dans une lettre aux professionnels de santé, l’ANSM rappelait que : « les signalements rapportés après la mise sur le marché de ces spécialités indiquent que tous les prescripteurs ne sont pas suffisamment informés de la prise en charge des risques hémorragiques. Telle que recommandée dans les Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP) ».
Pas d’antidote en cas d’urgence. L’ANSM indiquait également qu’il n’existe pas d’antidote spécifique disponible contre ces 3 molécules. Autrement dit, aucun produit ne permet de neutraliser l’effet anticoagulant en quelques heures. Par exemple chez un patient qui souffre d’une hémorragie (après une chute par exemple). Ou d’un malade qui relèverait d’une prise en charge chirurgicale en urgence. Avec les AVK, dans pareilles situations, l’antidote est tout simplement la vitamine K. Elle permet d’annuler l’effet anticoagulant en quelques heures.
Pour toutes ces raisons, la HAS a rappelé fin août que « les AVK demeurent dans la plupart des cas le traitement de référence de la fibrillation. Et il n’existe à l’heure actuelle aucun argument pour remplacer un traitement par AVK efficace et bien toléré par un autre anticoagulant oral ».
Principe de précaution ? De son côté dans un rapport publié en juillet, l’Assurance-maladie soulignait que le « principe de précaution doit conduire à mieux encadrer la prescription » de ces nouveaux médicaments (…). Il est nécessaire de s’engager en France dans une démarche de régulation de la prescription de ces produits ». Lesquels sont de plus en plus prescrits : sur le dernier trimestre 2012, le passage des AVK aux NACO a été observé chez 35 000 patients.
Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet
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Source : Assurance-maladie, juillet 2013 – ANSM, septembre 2013, HAS, août 2013 - Haute Autorité de Santé, Synthèse des Recommandations professionnelles, avril 2008