Les tatouages et la santé : les réponses d’un expert
11 janvier 2024
Infections, grossesse, traitements... quels sont les risques et les précautions à prendre vis-à-vis de sa santé ? L’avis du Dr Nicolas Kluger, dermatologue à l'hôpital Bichat (Paris) et au Helsinki University Hospital (Finlande).
Avec 18 % des Français qui déclarent être tatoués ou avoir déjà porté un tatouage, dont 29 % chez les moins de 35 ans, les questions sur les liens entre santé et tatouage sont loin d’être anecdotiques. Le dermatologue Nicolas Kluger a ouvert la première consultation dédiée aux complications des tatouages à l’hôpital Bichat, à Paris. Pour Destination Santé, il démêle le vrai du faux.
Peut-on se faire tatouer lorsque l’on est sous médicaments immunosuppresseurs ?
Les personnes prenant des médicaments immunosuppresseurs au long cours tels que les corticoïdes, les inhibiteurs du TNFalpha, les anticorps monoclonaux qui sont prescrits pour les maladies inflammatoires peuvent envisager des tatouages, mais uniquement une fois que leur maladie est stabilisée. « Elles doivent informer le tatoueur de leur traitement et planifier une première séance courte pour observer la réaction de la peau », préconise Nicolas Kluger. Le spécialiste met en effet en garde contre les risques d’infections et de retard de cicatrisation. Après cette séance test, si la cicatrisation, normalement de 2 à 3 semaines, dépasse un mois, il faut alors consulter son dermatologue.
Doit-on sauter une séance de tatouage en cas de fièvre ou d’infection courante (grippe, Covid-19…) et juste après une vaccination ?
C’est plus prudent, en effet, pour soi et pour les autres surtout. C’est finalement une attitude de bon sens, comme celle d’éviter de se faire tatouer sur un site de vaccination. A fortiori si le vaccin injecté est un vaccin vivant, il faudra alors attendre au moins 30 jours. Et, bien entendu, pas de vaccination sur un tatouage qui n’est pas complètement cicatrisé.
L’encre des tatouages peut-elle migrer dans l’organisme ?
L’encre peut effectivement colorer les ganglions lymphatiques. Chez les individus tatoués, les ganglions situés dans la zone de drainage du tatouage prennent la teinte des pigments, notamment les ganglions de l’aisselle (axillaires) en cas de tatouage sur le bras ou l’épaule. Les cellules immunitaires telles que les macrophages absorbent les pigments puis les transportent vers les ganglions.
Il n’a pas été observé de risque accru de lymphome (type de cancer qui affecte les lymphocytes, des cellules immunitaires) chez les personnes tatouées. Par précaution, lors d’interventions chirurgicales éventuelles, tout ganglion coloré est retiré pour être analysé. Il arrive aussi que la coloration interfère avec les examens d’imagerie par PET-scan (prescrits pour détecter une inflammation ou des cellules cancéreuses), nécessitant alors des investigations supplémentaires.
Le fait d’être tatoué augmente-t-il le risque de cancer ?
Les publications scientifiques ne fournissent aucune preuve solide permettant d’affirmer que le tatouage accroît le risque de cancer, cutané ou autre. Si l’incidence de cancers cutanés au niveau des tatouages semble augmenter parmi les personnes tatouées, cette observation est attribuable au fait que le nombre de personnes tatouées augmente.
Mieux vaut-il s’abstenir de se faire tatouer quand on est enceinte ou lorsqu’on allaite ?
« Les nanoparticules d’encre, dont la taille est inférieure à 100 nanomètres, peuvent certainement pénétrer dans la circulation sanguine, commente le Dr Nicolas Kluger, sans aucune conséquence connue à ce jour. En théorie, ces nanoparticules d’encre peuvent franchir la barrière placentaire, accédant ainsi à la circulation fœtale. Elles peuvent également se retrouver dans le lait maternel. Toutefois, ce risque diminue avec le temps, car le passage de l’encre dans la circulation générale est maximal pendant la réalisation et la phase de cicatrisation du tatouage. »
A noter, avoir un tatouage dans la région basse du dos ne constitue pas une contre-indication à l’anesthésie péridurale. Cependant, il est préférable que l’anesthésiste évite de pratiquer l’injection directement sur la zone tatouée.
Le risque infectieux lié à la réalisation des tatouages est-il encore problématique ?
Les tatouages engendrent des saignements minimes ou des micro-projections de sang ou de liquides biologiques, parfois invisibles. D’où un risque de transmission d’infections bactériennes, mais aussi, en théorie, des virus des hépatites B et C, ainsi que le VIH. La contamination peut se produire d’un client à un autre par le biais d’instruments non correctement stérilisés ou de l’opérateur au client, et vice-versa, lors des projections.
En France, la réglementation impose aux tatoueurs de suivre une formation en matière d’hygiène et de prévention des infections, dispensée dans des centres agréés par les Agences Régionales de Santé. Grâce à ces mesures, le risque infectieux a considérablement diminué, et les infections par les virus de l’hépatite B et C ont été éradiquées. Selon Nicolas Kluger, les consultations pour des infections cutanées consécutives à un tatouage sont devenues rares. Pour minimiser les risques, il recommande de vérifier que le tatoueur utilise du matériel à usage unique, des autoclaves pour stériliser ses instruments, ainsi que des produits pour désinfecter la peau.
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Source : D’après une interview du Dr Nicolas Kluger, dermatologue à l'hôpital Bichat (Paris) et au Helsinki University Hospital (Finlande) ; Sondage Ifop pour La Croix « La pratique du tatouage en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis » (2018)
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Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet