Les ultrasons focalisés de haute intensité, validés dans le cancer localisé de la prostate

19 décembre 2024

Dans certains cas de cancer localisé de la prostate, le traitement par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) devient une alternative validée au traitement radical, en l’occurrence la prostatectomie totale. Une étude française décisive - HIFI - a démontré que cette technologie fait aussi bien en termes de survie du patient, à 30 mois. Mais mieux tolérée, elle entraîne moins d’incontinence urinaire et de dysfonction érectile chez les hommes.

Grâce à l’étude HIFI publiée le 12 décembre dans la revue European Urology, une nouvelle option thérapeutique intermédiaire est désormais validée pour les hommes atteints de cancers localisés de la prostate : le traitement par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU). Celui-ci se situe entre la surveillance active recommandée pour les tumeurs peu agressives (on attend et on surveille l’évolution du cancer de près), et la prostatectomie radicale, qui implique l’ablation totale de la prostate. Ce traitement partiel du cancer de la prostate par HIFU permet de préserver les parties saines de la glande prostatique tout en maintenant la continence urinaire et la fonction sexuelle.

Qu’est-ce que l’HIFU ?

Le traitement par HIFU est une procédure non invasive. L’urologue insère une sonde dans le rectum, par l’anus, afin d’envoyer des ultrasons de haute intensité directement sur la tumeur. Les ultrasons se focalisent à travers la paroi du rectum vers la zone à traiter. Ils chauffent et détruisent les cellules cancéreuses, tout en épargnant les tissus sains environnants.

L’étude HIFI, menée sous l’égide de l’Association Française d’Urologie, évalue de manière prospective l’efficacité du traitement par navigation chirurgicale robotisée HIFU Focal One® en comparaison à la chirurgie classique, qui reste le traitement de référence pour les cancers localisés de la prostate. L’étude s’est déroulée entre 2015 et 2019.

Si la technologie HIFU existe depuis plusieurs années, l’étude HIFI apporte un élément décisif pour son adoption en pratique clinique.

HIFI, une étude qui fait entrer les ultrasons haute intensité dans les pratiques

L’étude HIFI est la plus vaste étude clinique prospective et comparative multicentrique menée à ce jour pour évaluer des traitements du cancer localisé de la prostate. Grâce à la société savante d’urologie notamment, l’Association Française d’Urologie, elle a inclus 3 328 patients dans 46 centres, répartis entre deux groupes : 1 967 patients ont été traités par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) et 1 361 par prostatectomie totale.

L’objectif principal de l’étude, démontrer la non-infériorité du HIFU par rapport à la prostatectomie totale en termes de survie (sans traitement de rattrapage) à 30 mois, a été atteint. En d’autres termes, 90 % des patients traités par HIFU ont évité un traitement définitif, et 86 % par prostatectomie.

Après ajustement sur différentes variables (âge, indice de masse corporelle, divers scores oncologiques, volume de la prostate, taux de PSA…), le risque de traitement de rattrapage (lorsque le cancer continue de progresser après un premier traitement) est plus faible dans le bras HIFU par rapport au bras prostatectomie totale

Une fonction urinaire et sexuelle mieux préservées

Les résultats de l’étude HIFI montrent des avantages importants du traitement HIFU sur la continence urinaire et la fonction érectile par rapport à la prostatectomie radicale. Dans le détail, le score ICS (International Continence Society), qui évalue l’absence totale de fuite urinaire, est meilleur avec le HIFU (29 % contre 44 % pour la prostatectomie totale), indépendamment de l’âge des patients.

Pour la fonction érectile, l’indice IIEF-5 (International Index of Erectile Function-5) montre une baisse moins marquée après un traitement par HIFU contre une diminution plus importante après la prostatectomie.

Le traitement protège en effet des structures anatomiques comme le sphincter urinaire, situé juste sous la prostate, et les nerfs érectiles, qui longent l’organe.

En termes de qualité de vie, les scores mesurés par le questionnaire QLCQ-30 sont comparables entre les deux groupes. A noter, ces bénéfices du HIFU sont observés malgré l’âge médian plus élevé des patients traités par cette méthode (74,7 ans contre 65,1 ans pour la prostatectomie totale).

Un nouveau traitement dans l’arsenal des urologues

Bien que cet essai présente certaines limites méthodologiques, notamment l’absence de randomisation (les patients n’ont pas été répartis de manière aléatoire entre le groupe prostatectomie totale et le groupe HIFU) et de la différence d’âge entre les groupes (écart d’âge médian de près de 10 ans), il marque un tournant dans les pratiques médicales. Ce changement est validé par le comité de cancérologie de l’Association Française d’Urologie et les autorités sanitaires françaises.

« La technologie robotique HIFU, désormais sortie de sa phase expérimentale, change maintenant le paradigme de prise en charge d’un cancer de la prostate localisé à un stade précoce, commentait lors de la conférence de presse le Pr Pascal Rischmann, investigateur principal de l’étude HIFI et auteur senior de sa publication. Les résultats de l’étude HIFI, portant sur des patients soigneusement sélectionnés, confirment non seulement l’efficacité carcinologique (l’effet positif sur la tumeur, ndlr) de la technologie HIFU, mais également des résultats fonctionnels supérieurs à ceux de la chirurgie, même assistée par robot, dans les mêmes indications. »

Des études complémentaires, sur des périodes plus longues (au-delà de 30 mois), pourront encore mieux évaluer l’impact du traitement en conditions réelles, sur la survie des patients ainsi que sur ses conséquences fonctionnelles.

Plus d’une soixantaine de centres en France peuvent proposer cette technique.

  • Source : Conférence de l’Académie nationale de Chirurgie du 12 décembre 2024, « cancer de la prostate ; Un nouveau traitement dans l’arsenal des urologues » ; Ploussard G et al. Whole-gland or sub-total high intensity focused ultrasound versus radical prostatectomy: the prospective, non-randomized, non-inferiority, HIFI trial https://doi.org/10.1016/j.eururo.2024.11.006

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils