L’huître, un allié pour comprendre le cancer ?

20 avril 2018

Quel est le point commun entre une huître et un être humain ? A priori… aucun ! Et pourtant, chez ce mollusque comme chez l’Homme, l’effet Warburg serait repéré. Ce mécanisme à l’origine du développement de cellules cancéreuses que l’huître saurait contrôler. Contrairement à nous.

L’effet Warburg est caractérisé par « le phénomène de développement cellulaire, responsable de la croissance des cancers », rapportent les experts de l’Ifremer. Grâce à lui, les cellules sont comme « dopées : elles prolifèrent, deviennent plus résistantes aux traitements ». Et « ce dérèglement de leur métabolisme les amène à réserver toute leur énergie à produire des protéines ». C’est-à-dire « du nouveau matériel cellulaire qui assure une croissance au cancer ».

Un mécanisme ON/OFF

Chez l’Homme, l’effet Warburg est à ce jour, irréversible. En revanche, l’huître creuse Crassostrea Gigas semble être capable de le contrôler. Mais comment fait-elle ? La chercheuse Charlotte Corporeau*, s’est posée la question, en partenariat avec la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.

Ce mollusque « semble être en mesure d’activer et de désactiver l’effet Warburg en fonction de son environnement ». Les tests effectués en laboratoire prouvent que la température y est pour quelque chose. « Une variation très importante** de la température (stress) bloque le déclenchement de l’effet Warburg chez cette espèce. On parle de la position ON/OFF. » Un point paradoxal car contrairement à l’Homme, l’huître « ne contrôle pas sa température interne ». En revanche, « elle adapte son métabolisme à l’environnement et notamment, à la température ambiante qui varie fortement selon sa position sur l’estran***, et évidemment selon la marée ».

Et après ?

Depuis mars 2018, l’équipe de Charlotte Corporeau effectue des prélèvements sur les huîtres en rade de Brest. Objectif, évaluer l’impact des variations de la température et de la position des mollusques au niveau de l’estran sur l’effet Warburg. Cette expérience est effectuée grâce à l’implantation de capteurs miniaturisés « dans certaines huîtres, permettant une mesure toutes les minutes et toute l’année ». Une première en France.

Concernant l’usage des protéines, le fonctionnement des cellules des huîtres présente des similitudes avec celles de l’Homme. Il se pourrait donc que ces mollusques constituent « un nouveau modèle dans la recherche contre le cancer ». A terme, « les recherches sur l’huître pourraient ouvrir des pistes inexplorées afin de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques », souligne François Dupré, directeur général de la Fondation ARC.

*biochimiste au sein du laboratoire Physiologie des invertébrés de l’Ifremer et de l’unité mixte de recherche LEMAR (UBO/CNRS/IRD/Ifremer)
***Lorsqu’au printemps, l’huître se trouve émergée, exposée au soleil, la température de son environnement immédiat peut monter jusqu’à environ 45 °C. Alors que la nuit, émergée ou immergée, la température de l’environnement descend autour de 10 ° C.
*** « zone située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées

  • Source : Ifremer, Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, mars 2018

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils