L’IA, un risque pour l’esprit critique

26 février 2025

L’intelligence artificielle et la mise à disposition au plus grand nombre d'outils d’IA générative tels que ChatGPT, Microsoft Copilot ou le français Le Chat, nous simplifient la vie et le travail. Mais ne risquent-ils pas de rendre notre cerveau paresseux ? Une étude co-réalisée par des chercheurs de Microsoft et des universitaires américains suggère que notre capacité de réflexion critique en pâtirait.

Vous ne pouvez plus vous passer de votre assistant IA ? Attention, mettent en garde des chercheurs. Cela pourrait entraîner une réduction de l’engagement cognitif, notamment pour les tâches routinières.

L’engagement cognitif est l’implication mentale et l’effort intellectuel qu’une personne investit dans une tâche ou une activité, afin de traiter l’information, résoudre un problème, prendre des décisions et apprendre. Alors qu’un haut niveau d’engagement cognitif implique une concentration soutenue, une réflexion critique et une participation active dans le processus mental, à l’inverse, un faible engagement cognitif peut entraîner une diminution de l’apprentissage et de la performance. C’est ce qui pourrait vous attendre à user et abuser au quotidien des outils d’IA générative pour vos tâches routinières.

Notre capacité de réflexion déclinerait avec l’IA générative

C’est en tous cas ce que suggère cette étude récente, codirigée par Microsoft. Elle révèle que notre capacité de réflexion critique décline à mesure que nous utilisons des outils d’IA générative. En automatisant des tâches répétitives et routinières, ces outils nous priveraient d’occasions précieuses d’exercer notre pensée critique et de nous engager dans des réflexions complexes.

En quoi consiste l’étude ? Chaque participant (319 travailleurs « du savoir » : chercheurs, professeurs, médecins, programmeurs, journalistes, etc. tous ceux dont le travail repose sur la manipulation, l’analyse et la création d’informations et de connaissances) a été invité à fournir trois exemples concrets d’utilisation de l’IA et à évaluer son niveau de réflexion critique lors de l’exécution automatique des tâches.

Au total, les participants ont partagé plus de 936 exemples d’utilisation de l’IA générative dans leurs tâches professionnelles.

Résultats ? Les chercheurs ont observé que ceux qui avaient le plus confiance dans la précision des outils d’IA avaient tendance à penser de manière moins critique. En revanche, ceux qui étaient moins confiants dans l’exactitude des réponses des outils ont fait preuve de davantage de réflexion. De plus, les données montrent des changements dans l’engagement cognitif des travailleurs à mesure qu’ils délèguent des tâches à l’IA et n’interviennent qu’au niveau de la supervision.

Plus d’efficacité, moins d’occasions de renforcer sa musculature cognitive

Bien que l’IA puisse améliorer l’efficacité, elle peut également réduire l’engagement cognitif, notamment dans les tâches de routine ou à faible enjeu où les utilisateurs s’appuient simplement sur l’IA.

Dixit les chercheurs de Microsoft et de l’Université Canergie Mellon (Pittsburgh, en Pennsylvanie, aux États-Unis) : « une des principales ironies de l’automatisation est qu’en mécanisant les tâches courantes et en laissant le traitement des exceptions à l’utilisateur humain, vous privez l’utilisateur des occasions habituelles de pratiquer son jugement et de renforcer sa musculature cognitive, les laissant atrophiés et non préparés lorsque les exceptions se présentent », expliquent les chercheurs.

Les chercheurs estiment au vu de leurs résultats que l’IA générative modifie la nature de la pensée critique : l’effort investi dans la pensée critique se déplace de la collecte d’informations vers la vérification des informations, de la résolution de problèmes vers l’intégration des réponses de l’IA, et de l’exécution des tâches vers la gestion des tâches.

De quoi soulever des inquiétudes quant à la dépendance à long terme et à la diminution de la capacité à résoudre les problèmes de manière indépendante. Un nombre croissant de chercheurs estiment d’ailleurs que cette dépendance pourrait conduire à un déclin cognitif généralisé. Comment éviter cet écueil ? Les chercheurs émettent une piste : « notre étude suggère que les outils d’IA générative doivent être conçus pour soutenir la pensée critique des travailleurs du savoir en s’attaquant aux barrières de sensibilisation, de motivation et de capacité ». Vaste programme.

  • Source : Hao-Ping (Hank) Lee et al. The Impact of Generative AI on Critical Thinking: Self-Reported Reductions in Cognitive Effort and Confidence Effects From a Survey of Knowledge Workers. https://doi.org/10.1145/3706598.3713778 CHI ’25, April 26–May 01, 2025, Yokohama, Japan

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet

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