Maladie d’Alzheimer et anxiolytiques… restons calmes !
29 septembre 2011
Les chiffres publiés aujourd’hui, et selon lesquels 16 000 à 31 000 cas de maladie d’Alzheimer seraient, chaque année en France, attribuables aux anxiolytiques et somnifères font évidemment grand bruit. Le Dr Bernard Croisile, neurologue et chef du service de neuropsychologie au CHU de Lyon, relativise néanmoins l’effet d’annonce. De quoi rassurer (un peu) les patients qui recourent à ces traitements.
« J’ai lu l’article sur le site Internet de Sciences et Avenir, qui publie un extrait des premiers résultats de ce travail », nous a-t-il confié. « J’ose imaginer qu’il sera rapidement publié dans une revue de référence à comité de lecture, ce qui permettrait de mettre en perspective les résultats et les éléments statistiques. En attendant, je suis inquiet car cela va faire peur à la fois aux patients sous anxiolytiques, et aux aidants qui peuvent penser à tort que ces traitements vont aggraver la maladie de leur proche ». A ses yeux donc, une mise en perspective s’impose d’urgence.
Ce travail a été réalisé par Bernard Bégaud, pharmacologue et épidémiologiste à l’Université de Bordeaux. Derrière un titre en forme de signal d’alarme (Exclusif, ces médicaments qui favorisent Alzheimer), il souligne que la majorité des études réalisées sur ce sujet « vont dans le sens d’une association entre la consommation au long cours de tranquillisants et de somnifères et la maladie d’Alzheimer ».
Un lien dû aux médicaments ou à la dépression ?
Bernard Croisile rebondit sur ce point crucial : « l’auteur met en évidence une association, un lien. Pas une explication. La nuance est majeure. De plus, comme il le concède lui-même, il ne fournit aucune explication physiopathologique ».
Il met également en garde face à de possibles biais statistiques. « De nombreux travaux ont montré que la dépression augmentait le risque de maladie d’Alzheimer », poursuit le médecin lyonnais. « La question que l’on peut alors se poser est la suivante : le lien trouvé avec les médicaments n’est-il pas tout simplement associé à la dépression ? ». Par ailleurs, « « comme la maladie d’Alzheimer débute plusieurs années avant que nous puissions en faire le diagnostic, il est possible que des personnes conscientes de leurs difficultés mnésiques perçoivent de l’anxiété et sollicitent un traitement anxiolytique ».
Quand aux chiffres avancés, il s’agit « d’une extrapolation à partir des données épidémiologiques concernant les patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer et les patients qui prennent des anxiolytiques ou des somnifères ». Autrement dit, ils doivent vraiment être pris avec des pincettes. Ce qui ne retire rien aux risques très réels – dépendance, baisses de vigilance, chutes… – qui sont liés à la surconsommation de benzodiazépines. Laquelle il est vrai, est une caractéristique très française.