Manger des légumes est-il vraiment bon contre les maladies cardiovasculaires ?
21 février 2022
C’est une étude d’envergure pour le moins surprenante publiée dans la revue Frontiers in Nutrition. Selon des chercheurs britanniques, manger des légumes n’aurait aucun impact sur le risque de développer une maladie cardiovasculaire. Ils expliquent même pourquoi on a longtemps pensé le contraire !
La consommation de légumes est associée depuis des décennies à une meilleure santé. Les antioxydants, les fibres, les minéraux et le fait qu’ils présentent une faible densité énergétique et une pauvreté en acides gras, notamment saturés, les aideraient à nous protéger de nombreuses maladies non transmissibles, comme les maladies cardiovasculaires.
Et si nous avions tout faux depuis le début ?
C’est en tout cas ce que prétend une étude des Universités d’Oxford, de Bristol et de Hong Kong. Pour ses auteurs, « que la consommation de légumes puisse réduire le risque de maladies cardiovasculaires peut sembler plausible à première vue, car leurs ingrédients tels que les caroténoïdes et l’alpha-tocophérol (une forme de vitamine E, ndlr) ont des propriétés potentiellement protectrices. Mais les preuves scientifiques sont pour le moment incohérentes ».
Alors pourquoi les résultats positifs obtenus jusque-là seraient-ils erronés ?
Pour répondre à cette question, les scientifiques se sont appuyés sur la UK Biobank, une large étude prospective portant sur la manière dont la génétique et l’environnement contribuent au développement de maladies courantes et potentiellement mortelles.
Ils ont ainsi analysé les données de près de 400 000 personnes, dont 4,5% ont développé une maladie cardiovasculaire. Chacun des participants avait renseigné sa consommation quotidienne de légumes, qu’ils soient crus ou cuits.
De nombreux biais ?
Les scientifiques ont tenté d’établir une association entre cette consommation et le risque d’hospitalisation ou de décès par infarctus du myocarde ou encore par accident vasculaire cérébral. Elément non négligeable, ils ont aussi intégré à leur travail des facteurs de confusion comme le statut socio-économique des participants, leurs niveaux d’activité physique…
Résultat : le risque de décéder d’une maladie cardiovasculaire était inférieur de 15 % chez les personnes consommant le plus de légumes par rapport à celles qui en mangeaient le moins. Jusqu’ici, rien d’anormal. Mais en intégrant ces fameux facteurs de confusion, le pouvoir prédictif du risque cardiovasculaire perdait 80% de son efficacité !
Comme l’explique le Dr Qi Feng de l’Université d’Oxford et principal auteur de l’étude, « nous n’avons trouvé aucune preuve d’un effet protecteur de la consommation de légumes sur la survenue de maladies cardiovasculaires. Au lieu de cela, nos analyses montrent que cet effet apparemment protecteur est très probablement expliqué par le biais de facteurs de confusion résiduels, liés aux différences de situation socio-économique et au mode de vie. »
Sans doute pour contrer toute polémique, les chercheurs rappellent tout de même qu’une « alimentation équilibrée et le maintien d’un poids de forme restent des éléments importants pour maintenir une bonne santé et réduire le risque de maladies majeures, y compris certains cancers. Il est largement recommandé de manger au moins cinq portions de fruits et de légumes chaque jour. »
Pour d’autres observateurs, les résultats ne sont guère surprenants. « Choisir un seul aliment, ici des légumes, et supposer qu’il suffit de l’ajouter à l’alimentation, pour obtenir des bénéfices n’est pas suffisant », explique Alice Lichtenstein, directrice du laboratoire de nutrition cardiovasculaire de l’Université Tufts (Massachusetts). « Ce qui est clair, c’est que nous ne devrions pas nous intéresser à des aliments ou à des nutriments uniques, mais plutôt à l’ensemble du régime alimentaire. »