Marée noire : et la chaîne alimentaire ?

08 janvier 2003

Des oiseaux, des poissons et des algues couverts de mazout : la marée noire du Prestige préfigure la première catastrophe écologique pérenne. Car elle promet de durer… Quelles conséquences pour la chaîne alimentaire ? Réponses d’un spécialiste.
Au centre antipoison de Rennes, le Dr Alain Baert est chargé des situations accidentelles et de la toxico vigilance. Il vient notamment de rédiger un rapport sur les risques liés au ramassage du pétrole. Avec un paragraphe particulièrement instructif – et rassurant – sur les modes de contamination par voie digestive.

« Pour que des composés puissent s’intégrer assez rapidement dans les chaînes alimentaires ils doivent être bio disponibles, c’est-à-dire capable d’être intégrés par les organismes. D’après les données dont nous disposons actuellement, ce pétrole comme celui de l’Erika, est peu bio disponible. Comme il est d’ailleurs peu biodégradable ! Ce qui signifie qu’il va persister dans l’environnement mais qu’il s’intègrera très mal dans les chaînes alimentaires ».

Pas de faux espoirs : Alain Baert insiste sur le fait que « le pétrole provoquera une mortalité animale importante. Il va bloquer les branchies des poissons et les empêcher de respirer, recouvrir les huîtres et empêcher leur alimentation. La mortalité interviendra davantage par un effet mécanique que toxique ». Ce constat est-il vraiment rassurant ?

Et l’interdiction jusqu’à nouvel ordre, du ramassage des huîtres et coquillages dans le bassin d’Arcachon se justifie-t-il ? « Nous sommes face à une atomisation de nappes, il convient donc d’être particulièrement vigilant » reprend Alain Baert. « Il s’agit d’une mesure de protection prise en attendant d’avoir les éléments d’une appréciation réelle de la situation. Je comprends le ras-le-bol des professionnels, mais valait-il mieux laisser aller une situation qui risquait de porter discrédit à l’ensemble de la filière ? Je ne le pense pas ».

En attendant, plusieurs milliers d’ostréiculteurs ne trouvent toujours pas de réponse à une question qui les taraude : pendant combien de temps cette interdiction « de précaution » va-t-elle durer, et va-t-elle s’étendre plus au nord ? Fondée aujourd’hui, le sera-t-elle encore demain ou… dans six mois ?

  • Source : British Medical Journal, 19 décembre 2002

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