Médicament : ne crions pas trop vite au miracle…

11 mars 2004

Il n’y a aucun doute : le lancement du Rimonabant dans le cadre du congrès de l’American College of Cardiology de La Nouvelle-Orléans est un joli coup. Proposé pour traiter tout à la fois l’obésité, les troubles lipidiques et le tabagisme, est-il un produit miracle ?

En fait, bien des questions restent encore sans réponse quant au potentiel de cette molécule, issue de la recherche du français Sanofi-Synthélabo. Ses promoteurs affirment qu’elle inaugure une nouvelle classe thérapeutique, celle des inhibiteurs des récepteurs CB1.

Les CB1 sont des protéines, surtout présentes dans le système nerveux central. Mais aussi au niveau de certaines terminaisons nerveuses périphériques: intestin, testicules, utérus notamment. Le plus connu des bloqueurs anti-CB1 est incontestablement… le cannabis. Identifiée pour la première fois il y a une quinzaine d’années, la liaison spécifique des cannabinoïdes avec les récepteurs CB1 est aujourd’hui bien documentée. Comme ces derniers sont présents dans le cortex et différentes structures cérébrales responsables de l’équilibre, certains neurobiologistes y voient la raison des effets du cannabis : diminution de l’activité locomotrice, euphorie, troubles de la mémoire… On avance ici, en terrain peu familier.

Il est évident que le Rimonabant ouvre des perspectives exaltantes. Agir simultanément sur trois conditions cliniques qui figurent en tête des causes de mortalité dans le monde, c’est un formidable espoir. Pourtant, la manière dont cette information est traitée inspire la réserve.

Un lancement sous pression ?
Les études présentées ne sont pas en cause. La première porte sur l’évolution de la courbe de poids et d’un certain nombre de facteurs cardio-vasculaires associés. La seconde prend en compte la capacité du produit à favoriser le sevrage tabagique, et ses éventuelles répercussions sur la courbe de poids. Des essais encourageants. Résultats cliniques de qualité, profil de tolérance intéressant, effets secondaires semble-t-il peu nombreux, essentiellement à type de nausées et de vertiges. Ce qui d’ailleurs, accrédite le mécanisme d’action neurologique du produit.

En revanche, on peut être gêné par la hâte – ou la fébrilité – qui semble entourer cette communication. Le produit sort à peine d’essais cliniques. Le délai de 2 ans, annoncé comme probable avant sa commercialisation, paraît un minimum. Mais des pressions s’exerceraient pour obtenir un passage sur une sorte de voie expresse pour sa mise à disposition, alors même qu’il n’est pas autorisé.

Obésité, tabagisme, troubles lipidiques : des pathologies éminentes auxquelles les réponses de qualité ne manquent pas ! On ne peut qu’être surpris d’une telle hâte, alors que l’entreprise elle-même souligne à quel point les informations actuelles ” sont soumises à de nombreux risques et incertitudes (…) qui peuvent impliquer que les résultats et développements attendus diffèrent significativement de ceux qui sont exprimés, induits ou prévus. ” Une prudence qui s’impose. Des exemples récents dans des domaines proches, ont montré qu’il est facile de faire des annonces. Mais un peu moins de concrétiser toutes leurs promesses.

  • Source : Sanofi-Synthélabo, 10 mars 2004, Matsuda et al., 1990, Science

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