Médicaments génériques : une mondialisation incontrôlable ?
27 février 2012
Comme c’est le cas des médicaments princeps, les génériques sont de plus en plus souvent fabriqués à l’étranger. L’Académie nationale de Médecine souligne cette évolution dans son rapport sur la Place des génériques dans la prescription. Les coûts de production, nettement inférieurs en Asie – en Inde et en Chine surtout – favorisent la délocalisation des usines de médicaments, de principes actifs et d’excipients. Cette mondialisation rend d’autant plus difficile les contrôles qualité de ces produits de santé. Un point sensible sur lequel insiste l’Académie…
Aujourd’hui, 80% des principes actifs utilisés pour fabriquer les médicaments vendus en Europe proviennent de Chine ou d’Inde. « D’une fabrication quasi-locale des ingrédients entrant dans la composition des médicaments ainsi que des médicaments eux-mêmes, avec un petit nombre d’acteurs bien identifiés et connus des autorités de santé, nous sommes passés à une dispersion planétaire et à une dissémination des chaînes de production et de distribution », note l’Académie.
En délocalisant massivement en Asie la production des génériques, certains laboratoires pharmaceutiques « n’hésitent pas à contourner les règles de bonnes pratiques dans la fabrication des médicaments génériques, devenues très coûteuses », se désolent même les Académiciens.
Trop peu de contrôles à l’étranger
Les principaux fabricants et distributeurs de génériques en France ont été contactés par l’agence de presse Destination Santé. Peu ont souhaité répondre. Le laboratoire Zentiva a toutefois indiqué que « 99% de (ses) génériques sont fabriqués (façonnage du produit fini dans plus de 18 sites en France) en Europe, dont 52% en France ». En outre, « pour 75% de (ses) génériques, les principes actifs proviennent d’Europe ».
Acteur majeur du marché, Biogaran de son côté signale que « 57% de ses médicaments sont produits dans des usines en France. Et le reste en Europe ». Toutefois, ses représentants ne nous ont pas précisé où étaient fabriqués les principes actifs et les excipients. Quant à Sandoz, il nous a répondu qu’il… « ne communique pas sur ces données ».
Comme le souligne l’Académie nationale de médecine, « la qualité des produits devient plus difficile à assurer et impose aux autorités compétentes des efforts importants en termes d’inspection sur place ».
Bientôt une directive européenne
L’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS) effectue bien quelques contrôles concernant « principalement les dosages en principes actifs, la pureté des produits, des analyses relatives aux formes, la vérification de la conformité microbiologique ainsi que celle des notices et étiquetages »… Toutefois, sur 896 inspections réalisées en 2010 concernant l’ensemble des médicaments –princeps et génériques – seulement 85 concernaient des sites de production hors de France.
S’il est compliqué d’examiner l’ensemble des sites de production situés à l’étranger, « le contrôle régulier des produits finis importés doit être de règle », recommande l’Académie.
L’Union européenne va également renforcer le contrôle des principes actifs importés sur son territoire. « Une nouvelle directive qui vient d’être adoptée, entrera en vigueur fin décembre 2012 », nous précisait en juin dernier David Simonet, Président du directoire d’Axyntis, une société française productrice de principes actifs. « Les importateurs de principes actifs devront prendre l’engagement de diligenter eux-mêmes une inspection auprès de leurs fournisseurs et cet engagement devra figurer dans le dossier d’AMM. »
Aller plus loin :
– Lisez l’intégralité du rapport de l’Académie nationale de Médecine ;
– Consultez le <a href="https://destinationsante.com/IMG/pdf/AfssapsRA10(1).pdf” target=”_blank”>rapport annuel de l’AFSSaPS 2010.
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Source : AFSSaPS ; Zentiva ; Biogaran ; Sandoz , 27 février 2012 - Interview de David Simonet, 8 juin 2011 - Académie nationale de Médecine, 14 février 2012 Académie nationale de Pharmacie, 8 juin 2011