Mélanome : gagner la course contre le temps et les inégalités

17 décembre 2024

Le mélanome nécessite une prise en charge rapide et coordonnée. L’enquête DERMATOCARE, soutenue par les Laboratoires Pierre Fabre, dévoile un état des lieux des pratiques actuelles et identifie les améliorations possibles dans le parcours de soins des patients. Explications, avec le Pr Laurent Mortier chef du service de dermatologie au CHU de Lille, sur les défis et solutions dans la lutte contre le mélanome.

Le mélanome, une pathologie où le temps et la coordination comptent 

Le mélanome est un cancer cutané qui se développe à partir des mélanocytes, les cellules responsables de la fabrication de la mélanine. Ce pigment participe à la protection contre les rayonnements ultra-violets. « Le mélanome est un cancer grave qui, en 2023, a touché 17 922 personnes et causé 1 920 décès en France », explique le Pr Laurent Mortier. « C’est un cancer qui touche particulièrement les jeunes adultes, ce qui le rend encore plus préoccupant. » Détecter un mélanome à un stade précoce est vital. « Plus la tumeur est détectée tardivement, plus le risque de métastases augmente. Ces métastases peuvent atteindre les ganglions, puis des organes comme les poumons, le cerveau ou le foie », précise le Pr Mortier. « Pris en charge rapidement, le patient a plus de 90 % de chances de survie à 5 ans. En revanche, si la maladie progresse, ces chances tombent à 50 % et nécessitent des traitements lourds. Ce décalage de quelques mois peut donc avoir des conséquences dramatiques. »

Le principal défi réside dans la coordination des soins, qui intervient à plusieurs niveaux. « Entre le médecin généraliste et le dermatologue libéral. Le premier joue souvent un rôle clé en repérant une lésion suspecte. Le dermatologue réalise ensuite le diagnostic et, si nécessaire, l’exérèse du mélanome. Pour les cas simples, cela peut suffire. Pour les cas plus complexes, si la tumeur est plus avancée, le patient est orienté vers un centre de référence, afin de déterminer la stratégie de traitement. »

L’enquête DERMATOCARE : des enseignements clés sur les pratiques en France

Pour la première fois en France, une enquête nationale a porté sur la prise en charge du mélanome. « C’est une étude importante dans la mesure où deux tiers des médecins prescripteurs ont participé (100 médecins) », précise le Pr Mortier. Elle met en avant le rôle crucial de la prise en charge multidisciplinaire. « Les formes graves de mélanome nécessitent des soins hospitaliers intensifs et mobilisent une équipe élargie, comprenant dermatologues, infirmiers, radiothérapeutes, oncologues, anatomopathologistes et pharmaciens », affirme le Pr Mortier. En effet, 68 % des centres réalisent des consultations tripartites pour le suivi des patients sous thérapies orales, impliquant médecins, pharmaciens et infirmières.

DERMATOCARE confirme le rôle clef des infirmières de pratique avancée et des infirmières de coordination « Pour les patients atteints de mélanomes avancés, leur rôle est multiple. Elles expliquent et reformulent les informations données par les médecins. Leur langage est souvent plus accessible. Elles abordent des aspects sociaux et pratiques liés aux soins. Elles coordonnent le suivi, en rappelant les patients avant un rendez-vous ou en les contactant entre deux traitements pour s’assurer que tout se passe bien. »

Les pharmaciens participent également à ce parcours de soins. « Ils jouent un rôle crucial auprès des patients polymédicamentés. Leur expertise permet de prévenir les interactions médicamenteuses, d’assurer une meilleure observance et de renforcer la sécurité des soins. Par exemple, ils peuvent recommander le remplacement d’un médicament pour limiter les effets indésirables ou éviter un surdosage ».

Des disparités criantes

L’enquête montre que les niveaux de prise en charge varient énormément selon les centres. Par exemple, seulement 20% des services disposent d’une équipe complète à temps plein composée d’une infirmière de pratique avancée, d’infirmier de coordination et d’un infirmier de recherche clinique. Et 27% des services n’ont aucun professionnel infirmier spécialisé. Autre donnée illustrant ces disparités, seulement 52% des centres effectuent systématiquement une évaluation de la fragilité gériatrique pour décider d’une éventuelle consultation en oncogériatrie. Conséquence, certains patients âgés peuvent ne pas bénéficier d’un accompagnement adapté dans certains centres.

« Certains établissements offrent une prise en charge exemplaire, avec des soins conformes, voire supérieurs, aux recommandations nationales. D’autres manquent de moyens ou de personnel, ce qui impacte directement la qualité des soins. Cette disparité concerne aussi l’accès à certaines ressources, comme les IRM cérébrales, indispensables pour détecter les métastases cérébrales précoces. Sans oublier que la pénurie de dermatologues libéraux dans de nombreuses régions entraîne des délais d’attente importants pour obtenir une consultation, retardant ainsi le diagnostic. » Pour conclure, le Pr Mortier estime que « cette enquête d’envergure est l’occasion de proposer un Livre Blanc destiné aux politiques pour réfléchir à une optimisation de la prise en charge. » DERMATOCARE pose donc les bases de projets d’harmonisation de la qualité des soins pour réduire les inégalités régionales dans la lutte contre le mélanome.

  • Source : Enquête Nationale sur la prise en charge du mélanome, DERMATOCARE, réalisée par les Cours Saint Paul cancers de la peau, auprès de 100 médecins prenant en charge le mélanome en France. https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Melanome-de-la-peau/Points-cles  

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Vincent Roche

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