Migraine, l’espoir d’une vie sans (trop de) crises

09 novembre 2023

La migraine, classée comme la seconde maladie invalidante au monde selon l'Organisation mondiale de la Santé, touche un Français sur six. Alors que travailler demeure un défi quotidien pour les migraineux, une avancée thérapeutique est passée presque inaperçue. Et lorsqu’ils y ont accès, les migraineux sévères sont privés de remboursement, contrairement à la plupart des pays européens.

Un migraineux sur deux déclare partir au travail chaque matin avec la crainte qu’une crise ne survienne. Être migraineux se traduit aussi par une perte de productivité de 21 jours au cours des trois derniers mois pour plus de 70 % des patients concernés (arrêts de travail, limitations dans les activités sociales et les tâches quotidiennes). De plus, 55,6 % ont manqué au moins une journée de travail ou d’école lors du dernier trimestre.

La migraine, largement sous-traitée

Selon un sondage OpinionWay d’octobre 2023, 27 % des Français interrogés (et 37 % des femmes) déclarent être concernés par des épisodes de migraine. « Pour certains migraineux sévères, les crises font de leur quotidien un enfer, avec des douleurs parfois intenses, un handicap et une angoisse », déplore Sabine Debremaeker, présidente de la Voix des migraineux.

En général, moins de 20 % des malades parmi les 11 millions de migraineux français bénéficient d’un véritable suivi médical, ce qui les expose aux céphalées chroniques quotidiennes (CCQ) en raison de l’abus d’antalgiques. Pourtant, de nombreuses possibilités thérapeutiques existent. Pour traiter la migraine et ses symptômes, les patients ont deux options : soit prendre des anti-inflammatoires ou des triptans à chaque crise, soit opter pour un traitement de fond visant à prévenir leur survenue. Tout dépend du type de migraine.

Des migraineux sévères laissés sans traitement

Le suivi médical de la migraine revêt une importance d’autant plus cruciale que 30 à 40 % des personnes migraineuses sont insensibles aux traitements actuels spécifiques de la crise, ou bien ces traitements leur sont contre-indiqués. C’est un progrès décisif dans la compréhension du rôle essentiel de la petite protéine CGRP dans la céphalée migraineuse qui est à l’origine de nouvelles classes thérapeutiques récentes, à même de les soulager. La neurologue Anne Ducros (CHU de Montpellier), explique : « ce neuromédiateur, libéré par le nerf trijumeau, est responsable du déclenchement de la migraine et de la douleur qui l’accompagne. D’où l’élaboration récente de nouveaux traitements spécifiques, tant pour les crises que pour la prévention, en relation avec ce peptide. Ces anticorps monoclonaux anti-CGRP soulagent près de 80 % des migraineux sévères rebelles à tout traitement. » De plus, 30 % sont même des « super-répondeurs » avec une fréquence des crises réduite de 75 % et parfois même leur disparition totale.

Un remboursement par l’Assurance malade qui se fait attendre

Mais voilà, « bien que la HAS ait reconnu que ces médicaments étaient efficaces et très bien tolérés », regrette le Dr Jérôme Mawet (Hôpital Lariboisière, Paris – Centre d’Urgence des Céphalées), « ils ne sont toujours pas remboursés (et certains ne sont pas disponibles, ndlr). Cette situation perdure, ce qui est aberrant dans un pays comme la France en 2023 ».

Leur remboursement est une bataille menée par les associations et la Société française d’études des migraines et céphalées depuis trois ans.

La cause des personnes migraineuses sévères n’avance pas 

En France, on estime qu’il y a entre 18 000 et 38 000 migraineux sévères. Philippe P, 59 ans, est l’un d’entre eux. Le témoignage de ce directeur d’école désormais en invalidité, qui souffre de migraines depuis son enfance, est révélateur de la manière dont la migraine sévère, lorsque résistante à tous les traitements de fond, peut détruire la vie sociale et professionnelle.

« J’ai essayé chaque médicament, chaque technique, même les plus innovants et confidentiels », confie-t-il. Il fait partie de ce tiers de migraineux chroniques sévères considérés comme « difficiles à traiter ».  « Cela a été déchirant d’abandonner mon travail à l’âge de 52 ans. Les crises de migraine ne me laissent aucun répit, surviennent presque quotidiennement, avec plusieurs épisodes très invalidants par mois. Pour les apaiser, je prends de nombreux traitements de crise. Quand rien ne fonctionne, je me réfugie dans l’obscurité. Mes migraines m’ont empêché de mener une vie active, de pratiquer une activité physique, de maintenir des relations sociales, et de participer à des soirées ou des voyages. Lorsque les crises ne provoquent pas de vomissements, la maladie reste invisible. »

Les anticorps anti-CGRP, administrés par injections, par voie orale, et bientôt en spray 

Philippe a essayé tous les médicaments de cette classe thérapeutique disponibles en France, mais il a dû y renoncer car trop chers. « L’un d’entre eux m’a plutôt bien soulagé », reconnait-il, « mais comme il n’était pas disponible en France, je devais le rapporter de Suisse. Son coût, 450 euros par injection mensuelle, était entièrement à ma charge. La migraine demeure un handicap parfois majeur, mais invisible. »

Une autre spécialité de cette classe des anti-CGRP (les « gépants ») existe, cette fois-ci non pas en injections, mais par voie orale (rimégépant ; lyophilisat oral conditionné en plaquette), toujours chez les personnes en proie à des migraines récurrentes et sévères. Disponible depuis le 10 octobre, le rimégépant a obtenu une autorisation de mise sur le marché dans le traitement des crises chez les adultes, et en prophylaxie (prévention) de la migraine épisodique (au moins 4 crises de migraine par mois). Comme les autres anti-CGRP, il est vendu non remboursé. Un autre médicament de la classe des gépants, également en prise orale, devrait suivre courant 2024 : l’atogépant. Un traitement par spray nasal (zavegepant) est lui aussi attendu. Il a obtenu en 2023 le feu vert des autorités américaines dans les crises migraineuses sévères.

Pour aller plus loin : 

L’échelle HIT, un tests validé scientifiquement pour évaluer le réel impact de vos mots de tête : https://sfemc.fr/patients/preparer-sa-consultation/echelle-hit/

 

  • Source : Interviews de Philippe P., personne migraineuse sévère (Nouvelle Aquitaine) et du Pr Anne Ducros (neurologue, CHU de Montpellier) - Enquête « Migraine & Travail » de La Voix des Migraineux (2022) - Étude de La Voix des Migraineux réalisée avec MoiPatient (2022) - Étude OpinionWay pour Pfizer menée en septembre 2023 auprès d’un échantillon de 1004 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. - Société française d’études des migraines et céphalées

  • Ecrit par : Hélène Joubert – Edité par : Vincent Roche

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