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L’enquête menée par l’association La Voix des Migraineux, en partenariat avec la plateforme MoiPatient, vient d’être publiée dans The Journal of Headache and Pain. Son objectif : donner un écho scientifique au vécu de centaines de patients et alerter sur un parcours de soins long, chaotique, marqué par l’isolement, l’incompréhension et la souffrance.
683 personnes (âge moyen : 41,8 ans) se sont livrées sur leur vécu avec la maladie, en grande majorité des femmes, concernées par des formes sévères ou chroniques (72 % ayant plus de 8 jours de crise par mois). 95,9 % avaient reçu un diagnostic formel de migraine posé par un médecin. 96 % présentaient un score HIT-6 indiquant une atteinte sévère, et 70,7 % un handicap sévère selon l’échelle MIDAS (évaluation du handicap fonctionnel dû à la migraine, mesurant l’intensité des symptômes, leur impact sur la vie quotidienne).
Chaque crise s’étend souvent sur plusieurs jours, avec fatigue intense, troubles cognitifs, douleurs aiguës, nausées, hypersensibilité au bruit, à la lumière ou aux odeurs. Ces symptômes rendent souvent le travail, la vie familiale ou les activités quotidiennes impossibles. Selon l’enquête, 70 % des patients rapportent un handicap sévère, 55 % ont dû s’arrêter de travailler plus de 21 jours au cours des trois derniers mois, et 60 % déclarent ne pas réussir à s’occuper correctement de leurs enfants.
Au-delà de la douleur, la migraine fragilise l’équilibre psychologique et social. Nombreux sont ceux à évoquer un isolement, une perte d’estime de soi, voire des idées noires. 37 % ont connu un épisode dépressif et 18 % des pensées suicidaires.
La prise en charge reste longue et complexe, à commencer par un diagnostic souvent tardif : le délai moyen est de 7,5 ans après les premières crises, avec en moyenne 2,7 professionnels consultés avant d’y parvenir. Pour 36 % des patients, le parcours s’apparente à un « parcours du combattant », 21 % parlent d’une « quête du Graal » et 14 % évoquent un sentiment d’abandon.
Les traitements sont souvent inadaptés, avec des effets indésirables négligés. Chaque patient a expérimenté en moyenne près de 7 effets secondaires différents, mais moins de 10 % estiment que ces effets ont été réellement pris en compte par les soignants.
Plus de la moitié des participants ne se sentent ni suffisamment écoutés ni suffisamment soutenus par les professionnels de santé. La pédagogie médicale fait également défaut : seuls 56 % déclarent avoir reçu des explications claires au moment du diagnostic, et encore moins concernant les traitements ou leurs effets indésirables. Or ce manque de soutien n’est pas sans impact : les patients qui ne se sentent pas accompagnés sont plus nombreux à souffrir de migraine chronique.
« Cette publication scientifique marque un tournant : elle donne enfin un poids légitime à la voix des patients migraineux », déclare Sabine Debremaeker, présidente de La Voix des Migraineux.
L’étude met en évidence plusieurs besoins non satisfaits, reprennent les auteurs : « un diagnostic trop tardif, un accès limité aux neurologues ou spécialistes de la migraine, une errance thérapeutique certaine (avec en moyenne 5,6 traitements de crise et 5 traitements de fond testés par patient), de nombreux effets indésirables rarement pris en compte, une information médicale insuffisante, et un manque de relation thérapeutique empathique et soutenante. » Le poids de la maladie est aggravé par la complexité du parcours. De grands progrès restent à faire, tant au moment du diagnostic que dans le suivi thérapeutique.
Source : Duburcq, A., Molins, M., Debremaeker, S. et al. Overview of migraine care, impact of the disease, and patient experience in France through patient voices: a cross-sectional and participatory survey study. J Headache Pain 26, 76 (2025). https://doi.org/10.1186/s10194-025-02018-y
Ecrit par : Écrit par Hélène Joubert ; Édité par Vincent Roche