Mort subite du sportif, qui est à risque ?
24 janvier 2024
La pratique d'une activité sportive régulière est recommandée pour ses bienfaits cardiovasculaires. Cependant, de manière paradoxale, cela peut exceptionnellement entraîner des complications cardiaques graves, pouvant aller jusqu'à la mort subite. Le point à l'occasion des Journées européennes de la Société française de cardiologie qui se sont déroulées en janvier à Paris.
Le 12 juin 2021, lors de l’Euro 2020, le footballeur danois Christian Eriksen a été victime d’un arrêt cardiaque en plein match. Le joueur s’est effondré sur le terrain. Les secours médicaux sur place ont pu le réanimer en utilisant un défibrillateur. Mais pour un sportif sauvé, combien sont décédés ? Plusieurs cas d’athlètes de haut niveau ayant connu un arrêt cardiaque en plein effort ont contribué à mettre en lumière ce phénomène, créant ainsi une association erronée entre la “mort subite pendant le sport” et la “mort subite du jeune athlète de compétition”. Car le profil du sportif victime d’une mort subite est tout autre.
5 % des morts subites concernent l’athlète de haut niveau
Chaque année en France, environ 1 000 décès surviennent pendant une activité sportive ou dans l’heure qui suit. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le profil du sportif victime de mort subite « ne se limite pas aux athlètes de haut niveau, mais concerne surtout des individus ordinaires, explique le Pr Frédéric Schnell (chef du service de cardiologie du sport, CHU de Rennes). Le sportif en question est généralement un homme d’âge moyen, entre 45 et 50 ans, principalement engagé dans des activités sportives récréatives (de loisir). Et les cas de décès soudain sont plus fréquents chez des personnes présentant des facteurs de risque cardiovasculaire. »
En majorité, la mort subite est en rapport avec une maladie coronaire (affection cardiovasculaire caractérisée par le rétrécissement ou le blocage des artères qui irriguent le cœur), laquelle se manifeste alors pour la première fois dans un cas sur deux.
Le « paradoxe de l’exercice »
L’activité sportive peut, dans de rares cas, entraîner des complications cardiaques pouvant aller jusqu’à la mort subite, ce que certains spécialistes appellent le « paradoxe de l’exercice ». En effet, l’exercice physique – surtout lorsqu’il est important et brutal chez un individu peu entraîné – peut déclencher un trouble du rythme du ventricule cardiaque lorsqu’il existe une maladie cardiaque existante. Parmi les causes identifiées, la maladie coronaire reste en effet prédominante (75 % des cas). Les cardiopathies structurelles (liées à la structure du myocarde) représentent environ 15 à 20 % des cas, et les maladies de la conduction électrique du cœur, quelques pourcents.
« On distingue habituellement les causes de mort subite en fonction de l’âge, précise le Pr Frédéric Schnell, avec la maladie des coronaires prédominante chez les plus de 35 ans, et les cardiopathies (maladies du muscle cardiaque) d’origine héréditaire chez les plus jeunes. Environ 50 % des cas restent sans cause identifiée lors des investigations post-mortem. »
Ce manque d’informations provient principalement du fait que les autopsies sont très rarement effectuées en France (moins de 5 %). Pour y voir plus clair, une étude financée par la Fondation Cœur et Recherche va débuter, se focalisant sur les jeunes sportifs ayant subi un arrêt cardiaque pendant une activité physique. « Il est essentiel pour les familles de connaître la raison du décès, permettant ainsi d’ajuster au mieux les mesures de dépistage pour les proches », indique le Pr Christophe Leclercq (Rennes), président de la Société française de cardiologie.
Quelles cardiopathies contre-indiquent le sport ?
D’après le Dr Jérôme Hourdain (CHU La Timone, Marseille), les dernières recommandations axées sur l’association entre cardiopathie et sport, qui datent de 2020, ont levé l’interdiction formelle de pratique pour les patients atteints de certaines cardiopathies. Désormais, dans le syndrome de Wolff-Parkinson-White (anomalie du système électrique du cœur) par exemple, le sport peut être envisagé après traitement. La myocardite (inflammation du muscle cardiaque) peut également constituer une contre-indication temporaire, nécessitant une évaluation cardiologique post-inflammatoire pour reprendre le sport.
Cyclisme, muscu, randonnée
Des données françaises sur la mort subite du sportif étaient présentées au congrès de cardiologie 2024. Une étude au niveau national a étudié 140 infarctus du myocarde aigus liés au sport (2018-2023). 9,3% des patients étaient des femmes, l’âge médian était de 61 ans (54 – 66 ans), 11,4 % avaient des antécédents de maladie coronarienne (maladie des artères du cœur) et seuls 10 % ont bénéficié d’une prise en charge préhospitalière. Les appels au services médicaux d’urgence étaient peu nombreux.
Les sports principaux étaient le cyclisme (33,6 %), le fitness (12,1 %), la randonnée (11,4 %) et la course à pied (10,7 %). La plupart des infarctus du myocarde aigu sont survenus pendant l’exercice (60,7 %).
Une autre étude française a constaté que le taux de fumeurs était élevé (plus de 25 %) chez les patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde lié au sport, alors même que le tabagisme confère un risque cardiovasculaire élevé, surtout dans le contexte sportif. Et près des deux tiers avaient fumé juste avant l’événement.
Pour en savoir plus : Le club des cardiologues du sport
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Source : Replays du congrès JESFC 2024 (17-19 janvier 2024, Paris) ; Sport-related acute myocardial infarction and tobacco smoking; findings from a regional prospective multicentre survey Abstract 180/JESFC 2024; Pre-hospital phase characteristics of sport-related myocardial infarction: Insights from a large multicentre regional survey Abstract 190/JESFC 2024; 2020 ESC Guidelines on Sports Cardiology and Exercise in Patients with Cardiovascular Disease
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Ecrit par : Hélène Joubert - Edité par : Emmanuel Ducreuzet