Peut-on vieillir heureux sans petits-enfants ?

16 janvier 2020

15 millions. C’est le nombre de grands-parents qui vivaient en France métropolitaine en 2011, selon les dernières données disponibles*. Elles indiquent aussi qu’une personne âgée sur 5 de plus de 75 ans n’a pas de petits-enfants. Comment vivent-elles cette situation ? Est-elle forcément synonyme de solitude ? Eléments de réponse avec le Dr Joël Laporte.

Ils ne sont jamais devenus grands-parents parce qu’ils n’ont pas eu d’enfant (14%) ou parce que leurs enfants n’ont pas eu d’enfant (6%). Mais ces aînés sans descendance ne sont pas isolés pour autant. Petits neveux ou nièces, relations nées dans le cadre de la vie professionnelle, d’activités sportives ou associatives, ces petits-enfants de substitution participent au « bien vieillir » des personnes âgées. Le Dr Joël Laporte, psychiatre, psychothérapeute et géronto-psychiatre, directeur médical de la clinique de Régennes (Yonne), nous explique de quelle manière.

Tout d’abord, qu’apportent les petits-enfants à leurs grands-parents ?

Ils participent à leur « bien vieillir ». Bien vieillir, c’est se conserver et conserver une bonne estime de soi, notamment grâce aux relations avec les autres, que l’on investit affectivement et dont on espère un « retour sur investissement ». Pour être dans ce mouvement, il n’y a pas mieux que les petits-enfants : ils apportent de multiples marques d’attachement, de reconnaissance… Ils permettent aussi de faire ensemble, de créer ensemble, de transmettre : c’est avec les grands-parents que l’on apprend à jouer aux cartes, aux dames… Ainsi, les personnes âgées se sentent utiles. Ils sont aussi dans cette période de vie où ils peuvent se payer le luxe d’être vrais, de profiter d’une relation spontanée et sans calcul avec les petits-enfants. Elle sort la personne âgée de la passivité, d’un temps sans fin et sans vie.

Que se passe-t-il alors pour les personnes âgées sans petits-enfants ?

Pour les activités culturelles comme le cinéma ou le théâtre, on n’a pas besoin de petits-enfants. Pour faire et créer non plus. Mais les petits-enfants ont quand même un effet facilitateur, donc quand on n’en n’a pas, il faut faire un effort supplémentaire. Dans la relation avec un enfant, la personne âgée a le sentiment d’être utile, de transmettre, et montre qu’il y a une solidarité entre les générations. Cela alimente en permanence une vie affective et une vie mentale chez la personne âgée.

Mais hors des petits-enfants, point de vieillesse réussie ? Ce n’est pas vrai. On peut trouver des petits-enfants à investir. Les rencontres intergénérationnelles dans les Ehpad ou associations, par exemple, suscitent des mouvements émotionnels. Cela amène de la vie, et tout ce qui amène de la vie et le sentiment de transmettre des choses donne force.

Vaut-il mieux ne pas avoir de petits-enfants ou en avoir et ne jamais les voir ?

Faire le deuil de petits-enfants vivants, c’est douloureux et hyper frustrant. L’expression peut être la tristesse ou l’agressivité, mais cela peut tout de même être positif, dans le sens où cela mobilise la vie psychique : penser à mes petits-enfants qui ne viennent pas me voir, c’est malgré tout mobiliser de la pensée et ne pas être dans le vide mental, et pouvoir rêver qu’ils viendront un jour. Quant à ceux qui n’ont pas de petits-enfants, ils ne sont pas nés aujourd’hui, ils ont eu le temps de s’organiser et d’organiser leur vie pour la vivre sans eux. Il est souhaitable de mettre en place des mécanismes de défense. S’ils ne l’ont pas fait, ils sont bien démunis et se retrouvent dans un grand vide. Le narcissisme est moins rempli, les interactions sont moins riches. D’où certaines dépressions… C’est un facteur aggravant.

*Etude INSEE « 15 millions de grands-parents », parue le 23 octobre 2013

  • Source : Etude INSEE « 15 millions de grands-parents », parue le 23 octobre 2013

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Vincent Roche

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