Plan AVC : le suivi des patients à la peine
16 juillet 2012
Le plan AVC 2010-2014 est à mi-parcours. Problème : depuis déjà plusieurs mois il se cherche un… pilote ! « Le Comité de suivi n’a plus de président, et cela risque de ralentir le processus », craint le Pr Thierry Moulin (CHU de Besançon), président de la Société française NeuroVasculaire (SFNV). « Or il reste encore un travail considérable à réaliser, même si des actions structurantes nombreuses ont été réalisées durant les deux années écoulées ». Etat des lieux.
A ce jour, « plus de 70% des actions sont réalisées » nous confirme le ministère de la Santé. « La plupart sont en lien direct avec la prise en charge des patients, dans l’objectif d’un accès dans les plus brefs délais au diagnostic et à la thérapeutique adaptée ».
Déjà 117 UNV mais…. A y regarder de plus près, la montée en charge des unités neurovasculaires (UNV) dans les hôpitaux français – c’est sur elles que repose la prise en charge des AVC – se poursuit effectivement. L’objectif fixé dans le plan est d’atteindre le chiffre de 140 UNV d’ici 2014. « Pour l’heure nous en sommes à 117 », explique le Pr Moulin. « Nous sommes fidèles au tableau de marche ».
Il semble toutefois que « la course aux UNV » ne règle pas tout, loin de là… A l’heure actuelle, « 40% des victimes d’un AVC n’ont pas accès à un hôpital doté d’une UNV » poursuit Thierry Moulin. Six patients sur dix y sont donc admis, contre un sur dix en 2007. Le problème est que « le tiers environ des malades admis dans un hôpital équipé d’une UNV… n’accèdent pas à cette dernière » ! Cherchez l’erreur…
Développer le télé-AVC. Pour le Pr Moulin, la solution ne passe pas forcément par la multiplication des UNV. C’est ainsi qu’il plaide aussi en faveur du développement de ce qu’il appelle le « télé-AVC ». Ce concept nouveau intègre dans un réseau de télémédecine régional, la téléconsultation neurologique et la télé-radiologie. Autrement dit, ce système pourrait aussi à terme, compenser la répartition inégale des UNV sur le territoire en renforçant les coordinations régionales.
Suivi des patients. Au-delà de la prise en charge aigüe du malade, le Pr Moulin explique que « le suivi des patients (retour à domicile, placement en institution…) constitue vraiment un point négatif ». A ses yeux, « cela nécessite le renforcement d’actions comme le nombre de neurologues à former et la mise en place d’un nouveau plan. Pas forcément un plan AVC d’ailleurs, mais un projet plus global qui prendrait aussi en compte le suivi des patients souffrant de handicaps neurologiques dans le cadre de maladies d’Alzheimer, de Parkinson, …. Il est important de mutualiser les moyens et de mettre un terme à la dispersion des énergies. »
Améliorer la recherche. Un rapport sur la situation de la recherche AVC en France et les perspectives pour mieux structurer une politique dans ce domaine a été récemment remis au cabinet de la ministre de la santé. Les professionnels attendent beaucoup des propositions qui pourraient en ressortir. « Un effort important doit vraiment être fait au niveau de la recherche », enchaine le Pr Moulin.
Insister encore sur les signes d’alerte. « Trop peu de personnes en France connaissent les signes d’alerte de l’AVC et savent qu’il convient d’appeler le 15 », ajoute-t-il. « Des campagnes d’information et de communication sont encore nécessaires sur ce point ». Face à un AVC en effet, il faut agir très vite. Cela passe d’abord par une bonne connaissance des signes évocateurs de l’accident :
– Une paralysie ou un engourdissement brutal au niveau d’un bras et/ou d’une jambe ;
– une difficulté soudaine à parler et à se faire comprendre ;
– la diminution subite de la vision d’un œil, ou l’apparition de violents maux de tête sans cause apparente.
AVC : des drames mais aussi un coût de… 4,5 milliards d’euros par an. Sur son site Internet, le ministère de la Santé rappelle qu’une personne sur six aura dans sa vie un AVC ». Lequel a « de plus un coût considérable pour la société ». Titulaire de la chaire ESSEC santé (Paris), Gérard de Pouvourville les a calculés précisément : en moyenne dans la phase aiguë, le coût d’un AVC revient à près de 5 200 euros pour une hospitalisation d’une dizaine de jours (9,8 jours, précisément). Soit un total pour l’Assurance-maladie de 4,5 milliards d’euros par an ». Auxquels il conviendrait d’ajouter environ 10% de coûts indirects liés à l’hébergement de personnes dépendantes, aux pertes de revenus pour les patients actifs et encore au temps consacré par les aidants familiaux.
Ces chiffres sont-ils amenés à exploser en raison de l’augmentation du risque d’AVC avec l’âge notamment ? « Difficile à dire », poursuit notre économiste. « Nous savons toutefois que le coût de la prévention va augmenter, avec l’arrivée notamment de nouveaux traitements anticoagulants. A priori, ils vont être plus chers que les traitements actuels par AVK notamment». Ces derniers, difficiles à manier, sont toutefois responsables de nombreux effets secondaires et provoqueraient chaque année en France, 4 000 morts. Et apparemment, l’opération même si elle est coûteuse, est rentable. Des études ont déjà montré que ces molécules vont entraîner 15 000 euros de dépenses supplémentaires pour une année de vie gagnée. Un calcul fondé sur le fait que deux des nouveaux anticoagulants ont montré qu’ils permettaient d’éviter davantage d’AVC que les anti-vitamines K, sans excès d’hémorragies. » Gérard de Pouvourville reconnaît naturellement que « ce surplus de dépense n’est pas anodin. Mais dans des disciplines comme l’oncologie, les coût sont bien plus élevés. »
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Source : Interview du Pr Thierry Moulin, 7 juillet 2012 – Interview de Gérard de Pouvourville, 4 juillet 2012 – Ministère de la santé, 20 juin 2012 – Ministère de la Santé, site consulté le 9 juillet 2012