Pourquoi l’asthme tue-t-il 900 personnes en France chaque année ?
02 mai 2023
4 millions de personnes souffrent d’asthme en France. Alors que l’on dispose de médicaments très efficaces pour contrôler cette maladie respiratoire chronique, elle tue chaque année 900 personnes. Comment, alors, expliquer un tel chiffre ? A l’occasion de la journée mondiale de l’asthme, on a posé la question au Pr. Gilles Garcia, pneumologue, président de l’association Asthme et allergies.
Chaque année, en France, l’asthme tue 900 personnes. Comment est-ce possible alors qu’on dispose de tous les médicaments nécessaires ?
Pr. Gilles Garcia : En France, en 2023, même si on est un pays industrialisé et que tous les médicaments sont parfaitement accessibles, 60 % des 4 millions d’asthmatiques que compte le pays souffrent d’un asthme insuffisamment contrôlé. C’est-à-dire que des symptômes sont toujours présents chez ces personnes. La gravité et la fréquence de ces symptômes peuvent les mettre dans une zone de danger, avec un risque vital à terme.
Qu’est-ce qu’un asthme « insuffisamment contrôlé » ?
Pr. Gilles Garcia : On l’estime à deux symptômes par semaine et deux recours par semaine au traitement d’urgence, comme la Ventoline (un bronchodilatateur utilisé contre la contraction anormale des parois des bronches, ndlr). Parmi ces symptômes, on retrouve la toux, les crachats, l’oppression thoracique, un essoufflement dans les efforts de la vie quotidienne et des réveils nocturnes. Ce dernier est vraiment à considérer comme un drapeau orange foncé, il est tout sauf banal.
Donc les décès ne sont pas dus à une crise d’asthme soudaine et brutale, sans signe avant-coureur ?
Pr. Gilles Garcia : On imagine souvent un asthmatique qui va bien et qui, pour telle ou telle raison – un allergène, un virus – fait une crise d’asthme cataclysmique qui entraîne le décès. Mais dans la plupart des cas, cela ne se passe pas comme ça. Il s’agit d’une quantité de symptômes au quotidien, qui s’expriment de manière insidieuse. Ces symptômes finissent par devenir invisibles pour le patient. Il s’y habitue et les tolère. Il rencontre alors une situation un peu plus à risque que d’habitude (réaction allergique, infection virale…) qui va le mettre en danger vital.
Plaidoyer pour plus d’éducation thérapeutique
C’est ce qu’on appelle l’exacerbation de l’asthme ? C’est ce qui met en danger la vie des patients ?
Pr. Gilles Garcia : Oui. Il s’agit d’une poussée d’asthme. Petit à petit, l’asthme se dégrade. On est obligé d’augmenter la quantité de traitement d’urgence, de modifier le traitement de fond avec le recours à plus de cortisone. En France, on parle encore trop souvent de bronchite, il faut bannir ce terme qui ne reflète pas la réalité. Car, le risque est bien là, dans ces poussées d’asthme qui ne sont pas prises en charge et qui mettent en danger le patient. Les décès concernent surtout des gens qui ont de l’asthme depuis des mois, un asthme sous-estimé soit par le patient, soit par les médecins.
Les patients ne sont pas suffisamment informés, selon vous, sur cette maladie ?
Pr. Gilles Garcia : Oui parce qu’ils pensent la gérer mais ils la subissent. Rien ne se fait sans le patient qui doit être volontaire, mais il doit aussi être correctement accompagné et informé par son médecin. Il doit avoir toutes les informations pour identifier les symptômes et savoir comment réagir. Cela s’appelle l’éducation thérapeutique, et on sait que ça marche. Les personnes qui en bénéficient présentent moins d’exacerbations, prennent moins de cortisone, se rendent moins aux urgences. Mais l’éducation thérapeutique reste malheureusement très hypothétique en France. Chaque patient devrait pourtant pouvoir en bénéficier régulièrement.
Un traitement à vie
Peut-on guérir de l’asthme ?
Pr. Gilles Garcia : Malheureusement non. C’est une maladie chronique sur laquelle la recherche avance, notamment pour les vaccins, mais pour l’instant on n’en guérit pas. Il faut prendre son traitement à vie, même quand on va mieux. Si on ne le prend pas, on est forcément rattrapé par son asthme. Le traitement de fond, c’est de la cortisone faiblement dosée, qui passe uniquement dans les bronches. Avec une observance de ce traitement, 80 à 90 % des patients vont très bien et mènent une vie tout à fait normale, pratiquant toutes les activités sportives qu’ils souhaitent pratiquer.
Un dernier mot sur le nombre d’asthmatiques, plus de 4 millions en France, et cette tendance sans cesse à la hausse ces dernières décennies. Pourquoi ?
Pr. Gilles Garcia : Dans les années 60, 2 % de la population était asthmatique, peut-être moins. Aujourd’hui, on est à 8 %, probablement pas loin de 10 % chez les moins de 20 ans. L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente en France, c’est une maladie qui a explosé ces 50 dernières années dans tous les pays industrialisés. Le mode de vie occidentale a clairement favorisé l’émergence de la maladie et des allergies. Avec plus de 60 000 hospitalisations par an en France, l’absentéisme scolaire, l’absentéisme professionnel et les arrêts maladies, c’est une maladie dont le coût est très lourd pour la société.