Quand consulter un pédopsychiatre ?
13 août 2020
Un enfant qui dort mal, un ado qui refuse de manger ou dont les notes chutent... Ce sont des choses qui arrivent. Et qui, dans certains cas, nécessitent de consulter un professionnel. Quels sont les signes qui doivent inciter à franchir le pas ? Quand faire appel à un pédopsychiatre ? Le point avec le Pr Philippe Duverger, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au CHU d'Angers.
En fonction de son âge, la manière pour un enfant d’exprimer ses difficultés sera différente. Mais certains « signes d’appel » sont communs quel que soit le stade de développement et doivent alerter les parents, explique le Pr Duverger, qui reçoit des enfants de tous les âges dans son service du CHU d’Angers, du nourrisson à l’adolescent.
Les signes à repérer
– Chez le tout-petit (0-3 ans)
Chez les bébés qui ne parlent pas, « la souffrance s’exprimera par le corps », explique le Pr Duverger. « Ils alertent avec les moyens du bord ». A surveiller particulièrement : toutes les formes de troubles du sommeil (bébé qui refuse de s’endormir, se réveille plusieurs fois par nuit, s’isole dans le sommeil…) ; les troubles de l’alimentation (refus de manger) et les interactions avec l’entourage (bébé qui ne fixe pas, fuit le regard, refuse la relation). Ces troubles peuvent témoigner d’une douleur physique ou psychologique (inconfort, angoisse, insécurité…).
– Chez l’enfant (3-9 ans)
Aux troubles de l’alimentation et de sommeil peuvent s’ajouter des difficultés d’acquisition : troubles du langage, de la concentration… Et des problèmes liés à la vie en collectivité : on parle là de « l’enfant qui reste tout seul à la récré, qui présente une angoisse de la séparation massive, qui refuse d’établir des relations avec l’extérieur… ». Cela peut aller jusqu’au rejet de l’école, avec des « plaintes fonctionnelles » (maux de tête, de ventre…) qui traduisent une souffrance psychique. L’enfant répond aux exigences, mais a perdu sa joie de vivre. « Un enfant qui ne joue pas, surtout avec les autres, est un enfant qui va mal ».
– Chez le préadolescent (9-12 ans)
Troubles de l’alimentation, du sommeil et « refus scolaire anxieux » font toujours partie des signes d’alerte. Certains signaux de la dépression peuvent également apparaître : fatigue qui ne cède pas au repos (asthénie), perte de la volonté (aboulie), du plaisir (anhédonie), morosité… Dans certains cas, ils sont liés au harcèlement scolaire, souvent difficile à repérer : « parce qu’ils ont honte, les enfants n’en parlent pas car se plaindre, c’est un signe de faiblesse alors ils se taisent, et c’est pire que tout ». Plusieurs stratégies sont à l’oeuvre : la fuite, l’isolement ou l’évitement d’un côté, l’agressivité de l’autre.
– Chez l’adolescent (12-17 ans)
Les troubles précédemment cités sont toujours présents, avec une particularité pour les jeunes filles : « quand elles sont en permanence au régime, qu’elles trient sans cesse leurs aliments… Il ne faut pas attendre ». Si elle n’a pas été prise en charge avant, la dépression peut s’accompagner de troubles du comportement : « ivresses répétées, violences auto-infligées… Toutes les attaques du corps comme les scarifications ou les brûlures doivent inquiéter. Ce sont des signes d’appel du risque suicidaire ». Le Pr Duverger tient toutefois à le rappeler : « on estime que 80 à 85% des ados vont bien. Mais ceux qui vont mal vont vraiment mal ».
Quand faire appel à un pédopsychiatre ?
Comment faire la différence entre un bébé qui pleure juste un peu beaucoup et un bébé qui va vraiment mal ? Entre un enfant qui se plaint de maux de ventre avant l’école et un enfant qui va vraiment mal ? Entre un ado qui abandonne son sport préféré et un ado qui va vraiment mal ? Autrement dit, où placer le curseur ?
Pour aider les parents à repérer le moment où il faut franchir le cap de la consultation, le Pr Duverger donne des clés : « un changement brusque de comportement, l’ampleur des signes observés, leur extension, la durée (plusieurs mois) et l’association de plusieurs de ces troubles » doivent conduire parents et enfant chez un professionnel.
Si l’enfant est en âge de comprendre, il ne faut surtout pas « le stigmatiser dans sa souffrance, mais lui présenter l’objectif : aller mieux et trouver des solutions ensemble. Un enfant ne peut pas en vouloir à ses parents de se faire du souci pour lui ». Parfois, une seule consultation suffit. Surtout, « si un enfant a vu une fois un psy en CM1, il saura demander à y retourner en cas de difficulté passagère plus tard. On prévient ainsi des cercles vicieux, des façons d’être au monde qui peuvent devenir pathologiques ».
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Source : Interview du Pr Duverger (chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au CHU d'Angers), le 13 juillet 2020
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Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet