Qu’est-ce que la fictosexualité ?
28 septembre 2023
Sexualité émergente notamment sur les forums de discussion, la fictosexualité décrit l’amour et/ou le désir portés vers des personnages fictifs. Ces personnages ne sont pas réels, pourtant les sentiments ou l’attirance des fictosexuels à leur égard est, elle, bien réelle. Explications.
Akihiko Kondo a épousé en 2018 Hatsune Miku, une chanteuse pop virtuelle très populaire au Japon. A. Kondo fait partie de ces milliers de Japonais qui vivent une relation avec un personnage fictif. Le phénomène n’est d’ailleurs pas limité au Japon. Mais là-bas, des mariages non-officiels sont célébrés, des centaines d’applications y sont mêmes dédiées.
C’est seulement après son mariage qu’Akihido Kondo a compris comment se définir : fictosexuel. Les résultats d’une étude finlandaise de 2021 parlent de fictosexualité, fictoromance et fictophilie. Derrière ces trois étiquettes se trouve « un sentiment fort et durable d’amour, d’engouement ou de désir pour un personnage fictif », écrivent Veli-Matti Karhulahti et Tanja Välisalo, co-autrices de ce travail publié dans la revue Frontiers in Psychology. Il s’agit donc d’individus réels qui s’attachent de manière durable à des personnages fictifs, personnages de romans, de dessins animés, de bandes dessinées, de jeux vidéo, de séries, de films…
Conscient du caractère fictionnel de l’être aimé
L’étude dont l’objectif était de mieux comprendre ce qu’est la fictophilie (terme retenu par les chercheuses), s’appuie sur l’analyse de 71 discussions en ligne. Cherchant à comprendre qui sont les fictophiles, ces travaux montrent que ces derniers ne confondent en aucun cas fiction et réalité. « Ils étaient plutôt pleinement conscients du caractère fictionnel des personnages auxquels ils étaient attachés ». Si les fictosexuels se fantasment aimés en retour, ils ont pleine conscience que c’est impossible. La majorité d’entre eux expriment d’ailleurs leur peur d’être stigmatisé, ridiculisé, c’est pourquoi ils se tournent vers les forums pour échanger avec des personnes qui vivent des expériences similaires.
Les conversations à ce sujet sur les forums étaient le plus souvent initiées par des personnes qui éprouvaient un sentiment fort pour un personnage fictif et voulaient savoir si c’était « normal », « sain ». Et les autrices de préciser : « Au moment de la rédaction de cet article, la fictophilie n’est ni reconnue ni proposée comme condition diagnostique spécifique par l’Organisation mondiale de la santé (ICD-11) ou l’American Psychiatric Association (DSM-5). Les résultats de notre étude n’indiquent pas qu’un changement est nécessaire ».
Un phénomène ancien ?
Elles soulignent également que si les sentiments fictophiles sont rares dans la population générale, « ils peuvent être une exacerbation de ce que la plupart des êtres humains vivent à des degrés moindres ». Les adolescents notamment, mais parfois des adultes.
Interrogée par The Asahi Shimbun, Ichiyo Habuchi, professeur de sociologie à l’université de Hirosaki, affirme que le phénomène – développer des sentiments amoureux pour des personnages de films, de romans – n’est pas nouveau. « Ce n’est pas comme si leur nombre avait augmenté, mais au contraire, notre société est devenue plus tolérante à leur égard lorsqu’ils expriment leurs préférences », déclare-t-elle.
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Source : Man finds bliss after ‘marrying’ virtual idol Hatsune Miku, The Asahi Shimbun, 18 mai 2023 - Fictosexuality, Fictoromance, and Fictophilia: A Qualitative Study of Love and Desire for Fictional Characters, Frontiers in Psychology, 12 janvier 2021
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet