Qu’est-ce que la synesthésie ?

27 janvier 2025

Vous associez la musique à des formes et des couleurs ? Des lettres à des émotions ? Des formes géométriques à des goûts ? Vous êtes sans doute synesthète. La synesthésie est un phénomène neuronal qui toucherait 4 à 5 % de la population. Explications.

Dans son album Musicalism, la compositrice toulousaine DeLaurentis explore sa synesthésie. Comprenez que la musicienne visualise spontanément des formes et des couleurs lorsqu’elle entend ou compose de la musique. Le nom de son album est un hommage au courant artistique du « musicalisme »; des peintres qui, dans les années 30, peignaient les vibrations de la musique.

Le nom de synesthésie fait lui référence au « mélange des sens ». Il s’agit d’un phénomène neuronal non pathologique lors duquel une sensation objectivement perçue s’accompagne d’une ou plusieurs associations supplémentaires. S’il est difficile de chiffrer le nombre de synesthètes dans le monde – certains n’osent pas le dire, d’autres pensent que ce type d’associations existent pour tous, d’autres ne le conscientisent même pas -, on les estime entre 4 et 5 % de la population.

De nombreuses associations possibles

Il existe au moins 65 associations synesthésies clairement répertoriées. Chez DeLaurentis, la musique est associée à des formes et des couleurs. Pour Pharell Williams, la musique n’est associée qu’à des couleurs. Parfois c’est une couleur qui est associée à un chiffre, chaque lettre de l’alphabet à une couleur, une forme géométrique, un mot ou encore une couleur associée à un goût…

Dans d’autres synesthésies, on ne retrouve pas de modalités sensorielles, comme dans la personnification des lettres ou des chiffres. Un trait de personnalité ou des sentiments sont alors associés à des chiffres ou des lettres. Exemple avec le témoignage d’un synesthète cité dans une étude française de 2012 : « Le 6 est très tolérant avec le 5 (marron clair) qui pour moi est maladroit, hypersensible, voire naïf, alors que le 7 féminin rouge bordeaux est sévère, autoritaire et peu tolérant envers les faiblesses et ne supporte pas le 5 (réaction épidermique) ».

Selon cette même étude, menée par le chercheur spécialiste des synesthésies Jean-Michel Hupé, « ces associations sont constantes, idiosyncrasiques (chaque synesthète a un répertoire personnel et unique d’associations, qu’il éprouve aussi longtemps qu’il s’en souvienne) et involontaires ».

Comment expliquer la synesthésie ?

La synesthésie serait d’origine génétique. « Les probabilités élevées de découvrir plusieurs synesthètes au sein d’une même famille, souvent de types différents et sans que les membres de la famille ne le sachent, indiquent qu’il existe certainement un ou des terrains génétiques favorables voire déterminants à l’apparition des synesthésies », note Jean-Michel Hupé.

Connexions neuronales supplémentaires entre les différentes aires du cerveau ? Connexion entre des zones du cerveau habituellement non reliées ? Fonctionnement global du cerveau différent chez les synesthètes ? Selon la théorie de Jean-Michel Hupé, en tout cas pour expliquer l’association graphème couleur : alors que l’acquisition de la lecture fait appel à des zones auparavant spécialisées dans la perception des couleurs, les associations des lettres aux couleurs seraient les vestiges de ces expertises préalables.

La synesthésie est encore mal comprise à ce jour et pour Jean-Michel Hupé, il n’est pas sûr qu’un seul type de mécanisme permette d’expliquer la synesthésie, d’autant plus qu’il existe presque autant de synesthètes que de synesthésies.

  • Source : Synesthésie, expression subjective d’un palimpseste neuronal ? Jean-Michel Hupé, 2012, Med Sci.

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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