Qui en France, organise vraiment la pénurie de médecins ?

17 octobre 2007

Pardon de poser la question aussi brutalement. Alors que le rapport sur la démographie médicale présenté par le sénateur (UMP) Jean-Marc Juilhard n’en finit pas de faire débat, il est nécessaire de rappeler quelles sont les vraies questions posées aux Français, à ceux qui les gouvernent… et à ceux qui devront demain les soigner. Figurez-vous que nous apprenons aujourd’hui, qu’une pénurie de médecins nous menacerait « dès 2008 ». En voilà une belle découverte !

Il y a 5 ans déjà, les lecteurs de Destination Santé lisaient que « dans 7 ans il y (aurait) 800 communes de plus sans médecin généraliste ». Cette information n’avait rien d’un scoop. Elle ressortait d’une communication présentée… dans l’enceinte du Sénat, par le Rapporteur général du Haut Comité de la Santé publique. En mars 2004 – il y a donc plus de 3 ans – une étude conjointement réalisée par le Conseil national de l’Ordre des Médecins et le CREDES dénonçait l’émergence de « déserts médicaux à la française ». C’est peu dire que nos sénateurs ne devraient pas se donner l’air aujourd’hui, d’avoir redécouvert l’Amérique…

Chacun connaît la cause de cette pénurie, mais aucun politicien ne veut la nommer. C’est le numerus clausus mis en place en 1978 par Mme Simone Veil, alors ministre de la Santé. Le Pr Claude Got, à l’époque son conseiller technique, affirme qu’il s’agissait d’«adapter la démographie médicale aux besoins ». Oui, oui, oui… En fait et en privé, le ministre laissait déjà transparaître une préoccupation comptable. L’objectif était de réduire le nombre de médecins… pour diminuer celui des prescriptions de soins.

Redresser la barre…

On sait chiffres en mains, ce que valaient ces deux hypothèses ! Aujourd’hui, chacun perçoit qu’il est urgent de redresser la barre. Nos gouvernants s’y préparent trop tard, dans l’urgence et avec les meilleures chances… d’aller dans le mur. Les conséquences de leurs erreurs éventuelles seront dramatiques. Et elles seront surtout payées par nos enfants, avec usure et pendant des décennies.

Devons-nous contraindre les futurs médecins à s’installer dans les régions en voie de désertification médicale ? Cette solution pourrait sembler séduisante – voire d’une certaine logique puisque leur formation est financée par le contribuable – … si l’Etat n’organisait lui-même cette désertification ! Qui ferme dans nos campagnes, les bureaux de poste et ceux du Trésor public ? Qui provoque la disparition des structures de soins de proximité ? Les mêmes technocrates qui en leur temps ont refusé de « s’exiler » à Strasbourg pour y recevoir les cours de l’Ecole nationale d’Administration !

Le médecin de demain ne travaillera plus dans l’isolement. Il est révolu, le temps du médecin de campagne bravant la nuit, la neige et le blizzard pour rejoindre une ferme perdue et opérer sur une table de cuisine. Son successeur dépend d’un plateau technique. Son exercice repose sur le travail d’équipe et l’interdisciplinarité.

Le débat qui s’engage est politique au sens le plus noble du terme, et nos gouvernants sont condamnés au succès. Faute d’apporter de bonnes réponses aux questions mal posées par leurs devanciers, ils mettront sur les rails et pour 40 ans une médecine binaire : d’un côté des veinards bien assurés -nantis, corporations protégées voire l’un et l’autre à la fois…- et de l’autre les Français moyens. Ceux-là « bénéficieront » d’une médecine de pénurie. Ce modèle vous rappelle quelque chose ? Vous avez raison. C’est celui de l’Oncle Sam.

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