Regarder ou écouter à vitesse accélérée : un risque pour les capacités cognitives ?

08 décembre 2025

On l’appelle le speed-watching ou speed-listening. Cela consiste à regarder une vidéo ou écouter un podcast en vitesse accélérée. Une pratique populaire auprès des jeunes adultes. Quels sont ses avantages et inconvénients ?

Vidéos, séries, podcast… De nombreuses personnes, souvent parmi les plus jeunes, n’hésitent pas à regarder ou écouter du contenu en ligne à vitesse accélérée. Selon une étude de l’Université de Californie publiée en 2021 et menée auprès des étudiants en premier cycle, 85 % d’entre eux déclaraient regarder des vidéos de cours à vitesse accélérée. Vitesse x1,5, voire x2 pour une vidéo pédagogique, mais aussi une série sur Netflix (speed-watchnig), ou un podcast (speed-listening). Les étudiants californiens sont loin d’être seuls. Mardi 2 décembre, un journaliste de franceinfo partait à la rencontre de ces adeptes de la vitesse accélérée. « Les cours que j’apprends ne me suffisent pas, du coup, je vais sur YouTube et j’écoute des cours que je mets en x1,5. Je capte les informations et ça me permet de gagner du temps », expliquait une étudiante au micro de la radio publique.

Quels avantages ?

Cette habitude de visionnage ou d’écoute accéléré peut-elle présenter des avantages ? « Les avantages potentiels d’une lecture accélérée sont la possibilité d’accomplir une tâche plus rapidement, ce qui permet une meilleure productivité et/ou davantage de pauses, explique Marcus Pearce, maître de conférences en sciences cognitives à l’université Queen Mary à Londres et professeur de neurosciences au Danemark, contacté par Destination Santé. Pour les étudiants, regarder un cours vidéo en vitesse accélérée permet de le visionner deux fois ou de revenir sur les passages difficiles, ce qui peut améliorer l’apprentissage par rapport à un visionnage unique à vitesse normale ».

Selon ce spécialiste, une vitesse de lecture plus élevée peut aussi réduire l’ennui et la distraction mentale et contribuer à maintenir l’attention et l’engagement de l’étudiant pendant toute la durée de la vidéo. Appliquée à une série ou du contenu récréatif, elle permet aussi, bien sûr, d’en visionner davantage sans y passer plus de temps.

Et le cerveau s’y adapte sans trop de difficultés. Marcus Pearce souligne d’ailleurs qu’il est possible d’améliorer sa compréhension d’une parole rapide grâce à de l’entraînement. « Certains témoignages font état de personnes ayant appris à s’adapter, voire à préférer, des vitesses de lecture plus élevées. »

Les premiers effets négatifs à x2 ?

Selon les études, une vitesse x1,5 ne nuit pas à la concentration et à la mémorisation du contenu. Selon le professeur en neurosciences, les effets peuvent commencer à se faire sentir à partir d’une vitesse x2. « Je précise que cela dépendra aussi fortement de l’orateur (débit de parole, accent, etc.), de la langue, du contenu, des indices visuels, et de l’expérience de l’utilisateur… », précise-t-il.

En cause ? La mémoire de travail qui est une mémoire à court terme. Les informations stockées peuvent être rapidement effacées ou intégrées durablement par le biais, selon l’Inserm, « d’interactions spécifiques entre les systèmes de mémoire à court et à long terme ».

« La capacité de la mémoire de travail est limitée ; ainsi, des vitesses de lecture plus rapides peuvent pousser cette mémoire jusqu’aux limites de ses capacités, ce qui conduit au stockage d’informations de moins bonne qualité et moins durables, note Marcus Pearce. Cette charge cognitive accrue nécessite également une plus grande concentration et une meilleure capacité à se détourner des pensées parasites ou d’autres stimuli sensoriels. »

Ainsi, une vitesse accélérée ne peut-elle pas favoriser des troubles du sommeil ou des troubles de l’attention ? « Pour l’heure, hormis la charge cognitive accrue dont je viens de parler, on manque encore de données scientifiques pour répondre à cette question, répond Marcus Pearce. Si cette charge cognitive accrue se maintient sur une longue période, elle pourrait accroître la fatigue mentale, laquelle entraîne des répercussions importantes sur l’attention, la planification et la flexibilité cognitive. Cependant, en l’absence d’études scientifiques sur ces effets, ces derniers restent hypothétiques ». Et on peut aisément imaginer que chacun régule cette charge mentale en adaptant la vitesse de lecture ou en prenant plus de pauses.

A noter : selon une étude de 2023, les jeunes auraient davantage de facilité avec le speed-watching ou le speed-listening, que les personnes plus âgées. « Nos résultats montrent que si les jeunes adultes peuvent regarder des conférences vidéo à vitesse accélérée sans déficit mnésique significatif, les performances des personnes âgées sont généralement altérées dans ces conditions, rapportaient alors les auteurs. De plus, une vitesse de lecture plus rapide semble réduire la distraction mentale (généralement moins importante chez les personnes âgées que chez les jeunes adultes), ce qui pourrait expliquer la meilleure mémoire des jeunes adultes à vitesse accélérée ». Les scientifiques déconseillaient cette pratique aux personnes plus âgées.

  • Source : Interview de Marcus Pearce, Inserm, UCLA, Franceinfo, Memory

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche

Destination Santé
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