Règles abondantes : les techniques mini-invasives enfin disponibles

03 juillet 2024

Deux techniques mini-invasives dans le cadre des règles abondantes sont de plus en plus accessibles aux femmes car désormais réalisables « hors bloc opératoire ». Simples, rapides, sûres et efficaces, elles vont rapidement être proposées dans de nombreux centres en France, sous l’impulsion d’équipes pionnières dont celles des Drs Vincent Villefranque (Eaubonne) et David Hamid (Strasbourg). Le gynécologue-obstétricien Vincent Villefranque répond aux questions de Destination santé.

A quoi reconnaît-on des règles abondantes ?

Dr Vincent Villefranque : Les ménorragies sont des menstruations abondantes et prolongées, souvent douloureuses. Elles concerneraient environ 40 % des femmes. De façon générale, des règles sont abondantes si elles persistent plus de cinq jours, et s’il y a des caillots sanguins, ou lorsque les patientes sont anémiées à la suite de leurs règles.

A quoi sont-elles dues ?

Les saignements utérins anormaux sont souvent associés à des lésions intra-utérines, comme des polypes et des fibromes utérins. Mais ce peuvent être des ménorragies fonctionnelles dues à un déséquilibre hormonal. La muqueuse qui tapisse l’utérus (l’endomètre) est alors trop épaisse.

40 000 françaises sont prises en charge chaque année pour des règles trop abondantes. Quelles solutions existent ?

En cas de déséquilibre hormonal, le stérilet à la progestérone et le traitement hormonal sous forme de pilules oestroprogestatives ou purement progestatives sont des options. Si ces traitements ne sont pas bien tolérés, sont refusés, ou ne résolvent pas le problème, l’hystérectomie – l’ablation de l’utérus – a longtemps été pratiquée. Cependant, des techniques récentes sont moins invasives, comme l’hystéroscopie, où une caméra est insérée dans l’utérus, permettant à la fois de poser un diagnostic puis de traiter directement la pathologie à l’aide d’instruments, tout en préservant l’utérus.

En quoi consistent ces techniques mini-invasives ?

En cas de fibromes ou de polypes, il est possible de réaliser une résection par hystéroscopie. On utilise alors un « morcellateur », instrument qui découpe la lésion en lamelles, aspirées ensuite par le dispositif. La grande majorité des polypes sont accessibles à cette technique. Les fibromes de moins de 2 centimètres, dits sous-muqueux (à partir de la muqueuse et à l’intérieur de la cavité utérine), peuvent être traités de la même façon.

Et en ce qui concerne les ménorragies fonctionnelles ?

Un système de destruction endométriale peut être utilisé. Celle-ci peut être réalisée soit au moyen d’une sonde de radiofréquence ou d’un ballonnet par chauffage. En pratique, le dispositif est introduit dans l’utérus et s’y déploie. L’intervention dure de une à deux minutes, tandis que la procédure complète prend 30 minutes (temps passé dans la salle de procédure). Après un court repos, la patiente peut rentrer chez elle.

Pourquoi ces méthodes « hors bloc » ont-elles mis du temps à être proposées aux femmes ?

Elles existent depuis 2015, mais elles étaient largement sous-utilisées, faute de diagnostic précis, et du fait des règles françaises et du remboursement de l’acte qui imposaient de les réaliser au sein d’un bloc opératoire, les rendant trop onéreuses. Ces deux obstacles viennent d’être levés. Nous avons développé parmi les premiers en France des plateaux d’explorations fonctionnelles qui permettent de réaliser simultanément une échographie et une hystéroscopie, pour un diagnostic précis des menstruations abondantes. De plus, l’intervention est, depuis 2021, remboursée lorsqu’elle est pratiquée « hors bloc », dans une « simple » salle de consultation équipée. Depuis 2019, nous avons aussi mis au point un protocole d’anesthésie locale du col et du fond de l’utérus. Il nous arrive régulièrement de procéder au diagnostic et à l’intervention dans le même temps.

Quelle est l’efficacité de ces techniques mini-invasives ?

Elle est importante et c’est notamment pourquoi les sociétés savantes sont en faveur d’une plus grande diffusion *. L’efficacité des destructions endométriales atteint 85 % vis-à-vis des symptômes. Environ 40 % des patientes constatent une disparition complète des règles, 45 % signalent des règles peu abondantes, et 15 % sont en échec de traitement. Ce procédé est généralement irréversible, bien que dans certains cas, une nouvelle intervention puisse être nécessaire, après quelques années.

Quels sont vos propres résultats ?

Nous prévoyons de les publier à l’automne 2024. Plus de 150 patientes ont été traitées par destruction endométriale avec un taux de succès de 95 % et plus de 350 femmes l’ont été par résection par shaver (morcellateur) en cas de polype ou fibrome, avec un taux de succès de 98 %. Cette efficacité élevée s’explique par une sélection rigoureuse des patientes.

A quelles femmes destinez-vous ces techniques ?

Surtout après l’âge de 40 ans, chez les celles qui n’ont plus de désir de grossesse ; la destruction de l’endomètre pourrait en effet entraîner des anomalies d’implantation du placenta. L’âge moyen des participantes dans notre série est de 49 ans, souvent en période de péri-ménopause où les bouleversements hormonaux peuvent augmenter les ménorragies.

Ces interventions sont-elles douloureuses ?

Des douleurs, moins intenses que celles des règles, peuvent survenir pendant 24 à 48 heures. Pour les résections de polypes ou fibromes, la douleur est évaluée autour de 3,7 sur l’échelle visuelle analogique (EVA), tandis que pour les destructions endométriales, elle se situe à environ 5,5 (celles des règles est évaluée à 4).

A noter : Aujourd’hui, la prise en charge « hors bloc » est proposée par une 15aine de centres en France, prochainement rejoints par d’autres.

* Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) et Société de Chirurgie Gynécologique et Pelvienne – SCGP).

  • Source : Interview du DrsVincent Villefranque (Eaubonne) ; communiqué de presse « Brisons les règles » du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français et du Fonds pour la Santé des Femmes (mai 2024)

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

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