Remboursement des perruques : une avancée pour certain(e)s, un recul pour d’autres

01 avril 2019

A partir du 2 avril, les perruques synthétiques seront intégralement remboursées. Et les chevelures partiellement naturelles mieux prises en charge, mais pas à 100%. Une bonne nouvelle. Mais en creusant un peu, cette évolution ne semble pas équitable. Notamment pour les prothèses capillaires en cheveux naturels. Les précisions d’Emmanuel Jammes, délégué à la mission société et politiques de santé à la Ligue contre le cancer.

Le contexte : Jusqu’ici, la couverture des prothèses capillaires par l’Assurance-maladie était de 125 euros pour tout le monde, quel que soit le style de perruque.

Mais à compter de ce 2 avril, selon un arrêté du Journal officiel daté du 20 mars, les prothèses capillaires de classe I (composées de fibres synthétiques) seront entièrement remboursées. Le prix de vente limite est fixé à 350 euros. Les prothèses capillaires partielles (franges, mèches…) seront aussi couvertes à 100%, leur prix ne dépassera pas les 125 euros.

Les perruques de classe II, elles, seront vendues à un prix maximum de 700 euros et remboursées à hauteur de 250 euros. Ces dernières sont fabriquées avec un minimum de 30% de cheveux naturels. Les perruques de classe II d’un montant supérieur à 700 euros ne seront pas remboursées. Dans ce cas précis, les complémentaires ne peuvent pas couvrir la moindre partie des frais, étant donné que l’Assurance maladie ne prend rien en charge.

Enfin, le coût maximal des accessoires (ruban en tissu hypoallergénique, bonnet pour couvrir le crâne…) est fixé à 40 euros avec une prise en charge de 20 euros.

Agnès Buzyn, ministre en charge de le Santé, avait annoncé cette évolution le 4 février, lors des Rencontres de l’Institut national du cancer. Elle avait déjà défendu cet engagement* en juin dernier.

La réaction d’Emmanuel Jammes, délégué à la mission société et politiques de santé à la Ligue contre le cancer.

  • Quelle est votre position sur ces nouvelles modalités de remboursement ?

Un accord à 350 euros pour une prothèse synthétique de qualité c’est une très bonne chose, c’est important de le souligner. Mais avant, avec les 125 euros pour toutes les perruques, tout le monde était sur un pied d’égalité, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Et dans les faits, on voit bien qu’une perruque à 125 euros ça n’existe pas. Tout l’enjeu de ces négociations, qui ont quand même duré 5 ans**, c’était de revaloriser le remboursement des perruques pour être plus en phase avec les coûts dans la réalité, et diminuer le reste à charge pour les femmes qui veulent en bénéficier.

  • Le reste à charge sera bel et bien de zéro pour les perruques synthétiques…

En effet, environ 90% des patient(e)s pourront bénéficier de cette prise en charge de 350 euros sur une perruque dont le prix ne pourra pas dépasser 350 euros. Les 10% restants ce sont des personnes qui, pour des raisons personnelles, vont faire le choix d’avoir une perruque plus chère parce qu’elles privilégient la présence de cheveux naturels.

  • Les 10% restantes ont-elles vraiment le choix des perruques naturelles ?

Non pas vraiment. Les principales victimes sont les personnes aux cheveux longs, c’est d’autant plus stigmatisant pour elles car il n’existe pas de perruque synthétique pour cheveux longs. Elles sont obligées de choisir une perruque naturelle moins bien remboursée. Avant le 2 avril, pour une perruque naturelle, le remboursement était de 125 euros couvert par l’Assurance maladie plus la part de la mutuelle, il est aujourd’hui de zéro pour des prothèses qui valent entre 900 à 1 000 euros. Demain, le coût pour ces personnes sera de 1 000 euros, c’est énorme, inaccessible. C’est un peu la double punition pour elles.

  • La problématique de la perruque dépasse pourtant la dimension esthétique…

Oui, on constate que dans tout ce qui accompagne les difficultés d’ordre psychosocial et économique liées au cancer, les restes à charge pour avoir une perruque occupe une place très importante. Et on ne peut imaginer que pour les personnes aux cheveux longs, le recours à une coupe plus courte par défaut soit une solution. Si le changement de style convient à certain(e)s, beaucoup souhaitent retrouver leur apparence, la même qu’avant la maladie. Ce choix participe à la reconstruction de la personne, à retrouver confiance aussi. On ne peut limiter la problématique de la perruque au souci esthétique : la perruque naturelle n’est pas un produit de luxe. En le considérant ainsi, on laisse des personnes sur le bas-côté.

  • Quelle aurait été l’évolution « idéale » selon vous ?

On aurait été très satisfait avec 300 à 350 euros de prix en charge par l’Assurance-maladie pour tout le monde, quel que soit le type de perruque. Je ne comprends pas bien pourquoi on rembourserait moins quelque chose qui est de meilleure qualité. Qu’est-ce qui empêchait le législateur de fixer un remboursement à hauteur de 300 euros pour tout le monde ? Il a choisi de créer un système à deux vitesses en imposant le « si vous demandez plus, alors on vous donnera moins ». Faire des choix budgétaires au détriment de patients qui vivent la maladie…ça me laisse un goût amer, surtout que l’on n’est pas sur des gros volumes.

** l’amélioration du remboursement des perruques était inscrite dans le plan Cancer 3 de 2014

  • Source : Emmanuel Jammes, délégué à la mission société et politiques de santé à la Ligue contre le cancer, le 29 mars 2019 - Rencontres de l'Institut national du cancer, le 4 février 2019

  • Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Vincent Roche

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