Schizophrénie : encore trop de préjugés
18 mars 2024
La 21e édition des Journées de la schizophrénie, tout au long de la semaine du 16 au 23 mars 2024 est l’occasion de porter un regard neuf sur ce trouble psychique, objet de tous les préjugés. Le point sur la réalité de cette pathologie, avec le Dr Sylvain Leignier, psychiatre au Centre hospitalier Alpes-Isère (CHAI), au centre référent de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive (C3R) et centre expert Schizophrénie (fondation FondaMental).
Lorsqu’on évoque la schizophrénie, on pense spontanément aux délires et aux hallucinations. Quels sont les autres symptômes ?
Dr Sylvain Leignier : On distingue trois grandes catégories de symptômes. Tout d’abord ceux dits positifs : ce sont des manifestations supplémentaires par rapport au fonctionnement standard, comme les délires et les hallucinations. Les symptômes négatifs, moins familiers, se traduisent par un manque d’expression émotionnelle et comportementale, ainsi qu’un manque de motivation. Cette catégorie est parfois confondue avec la dépression. La troisième catégorie de symptômes, appelée « désorganisation », concerne la confusion de la pensée et du discours, des émotions et du comportement. Il peut exister chez les personnes avec schizophrénie une difficulté accrue à structurer, organiser sa pensée et à la partager avec les autres avec parfois, une inadéquation entre le ressenti émotionnel et les émotions exprimées.
Plutôt que de parler de la schizophrénie, on parle « des schizophrénies », pour décrire la multiplicité d’expression de la même maladie. Pourquoi ?
Car tous ces critères sont insuffisants pour capturer la réalité et l’hétérogénéité de la maladie, tout comme le handicap fonctionnel généré dans le quotidien des personnes touchées. Une même personne, à un moment donné, ne présentera pas nécessairement tous ces symptômes. En début de maladie surtout, ces symptômes se présentent parfois différemment, d’où une difficulté pour diagnostiquer la maladie. La nature et l’intensité des symptômes varient dans le temps.
Des variations entre les individus existent également. De plus, il existe très souvent des troubles cognitifs et des troubles psychiatriques associés (comorbidités), comme les troubles du sommeil, les addictions, la dépression et les troubles anxieux.
Comment pose-t-on le diagnostic de schizophrénie en 2024 ?
Le diagnostic de la schizophrénie repose uniquement sur des critères cliniques. Contrairement à d’autres spécialités médicales qui disposent de biomarqueurs comme des dosages sanguins, des imageries cérébrales ou des données électrophysiologiques, nous n’avons pas encore accès à de telles données pour confirmer le diagnostic, orienter le traitement et prédire l’évolution. Cependant, la recherche vise à trouver des biomarqueurs et proposer des accompagnements (médicamenteux et non médicamenteux) pour améliorer le devenir de la maladie.
A quoi est due la schizophrénie ?
La schizophrénie est causée par une combinaison complexe de facteurs de risque. Nous en connaissons certains, mais nous ne comprenons qu’en partie les facteurs de protection qui peuvent prévenir son apparition en présence de facteurs de risque. Nous savons que les facteurs de risque doivent se produire en deux phases successives lors du développement de la personne : la première phase de facteurs de risque crée un terrain de vulnérabilité à la maladie, tandis que la seconde phase de facteurs révèle la maladie. Par exemple, la consommation de cannabis peut précipiter son déclenchement. Cependant, même sans le cannabis, la maladie aurait pu se manifester, car le terrain de vulnérabilité était déjà présent chez la personne.
Qu’est-ce qu’une schizophrénie sévère ?
La sévérité de la maladie n’est pas seulement liée à l’intensité des symptômes mais aussi au handicap global. Ce dernier est difficile à mesurer, même aidé par un bilan neuropsychologique. On a tendance à penser que la diminution des symptômes dits positifs (délires et hallucinations) améliorera la qualité de vie. Cependant, les études montrent que ce sont plutôt les symptômes négatifs tels que les problèmes d’expression et de motivation qui sont les plus handicapants. Plus ces symptômes négatifs sont prononcés, plus le fonctionnement quotidien de la personne est impacté.
Quels sont les traitements ?
Les traitements antipsychotiques constituent l’un des principaux éléments de la prise en charge médicamenteuse. En complément, la mélatonine peut être utilisée pour améliorer la qualité et la durée du sommeil, tandis que les antidépresseurs peuvent être prescrits en cas de troubles anxieux ou dépressifs. Les approches non médicamenteuses, telles que les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont pour objectif de modifier les pensées et les comportements dysfonctionnels liés à la maladie.
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Source : D’après l’interview du Dr Sylvain Leignier, psychiatre au Centre hospitalier Alpes-Isère (CHAI), au centre référent de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive (C3R) et centre expert Schizophrénie (fondation FondaMental).
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Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet