











Des produits peu nombreux, adaptés à chaque cas après analyse de l’ADN du malade et quasiment sur demande. Des médicaments très efficaces, et bien mieux tolérés. Mais avec un coût de traitement annuel de 10, 15 ou 20 000 euros par malade…
Aujourd’hui, à peine 70 médicaments figurent dans la catégorie des ” blockbusters “. Il s’agit de ‘grands’ médicaments contre les pathologies les plus fréquentes et qui génèrent au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Or d’ici 3 ans, la moitié au moins ne sera plus protégée par leur brevet. Comment continuer d’engranger les profits qui alimentent la recherche, qui à son tour permet de renouveler notre arsenal thérapeutique ?
Résistances multiples aux antibiotiques, maladies émergentes, affections liées à l’allongement de la vie… les challenges ne manquent pas. Et la recherche traditionnelle, qui consiste à tester des milliers de molécules à la découverte d’un effet favorable, montre aujourd’hui ses limites. Depuis 15 ans, le coût des nouveaux médicaments a crû de façon exponentielle. La source aux innovations se tarit. Dans le même temps les pressions des agences spécialisées comme la FDA aux Etats-Unis ou l’EMEA en Europe, se font plus insistantes : plus d’efficacité, plus de preuves, plus de sécurité, un coût moindre…
Si nous voulons être soignés demain et continuer à l’être après-demain, nous devons préserver la capacité de nos centres de recherche privés. Ce sont eux qui depuis 50 ans nous ont fourni la quasi-totalité des médicaments actuellement disponibles. ” Développer plus vite et dans des conditions plus économiques des médicaments avec un meilleur Service médical rendu (SMR) ” voilà le défi de demain selon Richard Platford (IBM). Avec par exemple des essais cliniques qui ne seront plus effectués in vivo mais in silico. Sur des puces en silicium, donc ! Bien sûr, il y a des solutions à ces défis. Des puces extraordinaires comme le millipede, capable de tenir 25 millions de pages sur un timbre-poste. Ou des technologies qui accélèrent considérablement les calculs: plus de 10 puissance 21 opérations/seconde. De quoi modéliser une protéine en quelques heures au lieu de… 41 ans de calculs au début de notre ‘vieux’ 21ème siècle !
Trop cher pour nos vieux systèmes sociaux ?
Responsable de l’informatique de recherche chez Aventis, Rémi Le Goas explique que ces approches sont à l’oeuvre dans les laboratoires du géant franco-allemand à Francfort, Romainville et Bridgewater (USA). ” Mettant en réseau nos chimistes, biologistes, pharmaciens, médecins et pharmacocliniciens, nous allons réduire le temps de gestation d’une molécule de 10/15 ans hier, à 6/9 ans. ” Peut-être l’ébauche d’une réponse, pour les analystes qui jugeaient trop optimistes les prévisions de croissance publiées la semaine passée par Aventis, en réponse à un raid boursier…
Si les entreprises entrent dans cette nouvelle vision de la recherche, nos médicaments demain seront très différents. Ils seront ” taillés sur mesure ” après analyse de notre ADN, produits à l’unité, dotés d’une efficacité largement supérieure avec des effets secondaires minimum. Ils seront enfin… très chers, de l’ordre de 15 000 à 20 000 euros par an et par individu. En fait, il existe déjà des médicaments qui entrent dans cette logique de développement fondée sur la génomique. Ce sont les anticorps monoclonaux, dont certains sont déjà prescrits. Nous y reviendrons…
Le grand problème est de savoir ce qu’il va se passer lorsque la majeure partie de notre pharmacopée reposera sur ce type d’approche. Connaissant la clairvoyance des gestionnaires de la santé publique – en France comme ailleurs – on se demande ce qui va résulter du choc de ces deux mondes : d’un côté des médicaments à très forte valeur ajoutée, de l’autre des systèmes sclérosés, comme immuables. Qui va accepter de multiplier l’enveloppe ” médicament ” et de réduire – parce que ce sera devenu possible et indispensable – celle consacrée à l’hospitalisation par exemple ? Qui va gérer les débats sociaux qui s’ensuivront ?
L’industrie pharmaceutique avait peut-être besoin d’un nouveau business model, comme l’on dit. Mais nous allons avoir besoin aussi, d’une psychothérapie politique et syndicale. Une psychothérapie intensive même. Car qu’on le veuille ou non, ce progrès là est en marche…
Source : Pharma 2010, le seuil de l'innovation, IBM Institute for Business Value, janvier 2004 et Séminaire Pharma2010, Silicon Reality, IBV et PR Int, Paris 10 février 2004 - Photo: OMS Lyon