Sexe : deux à trois rapports par semaine, vraiment ?
21 avril 2022
Deux à trois rapports par semaine. A longueur de sondages sur l’activité sexuelle des Français, voilà les chiffres qui sortent systématiquement. Problème : ils ne reposent sur rien, affirme le Dr Francis Collier. Car « en matière de sexualité, la norme ne peut pas exister ».
« Les gens qui viennent consulter se positionnent presque tout le temps par rapport à une norme ». Et c’est une erreur, estime le Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle. « La seule question qui compte, c’est : êtes-vous satisfait l’un et l’autre ? Ou êtes-vous frustrés l’un et l’autre ? Ou l’un et pas l’autre ? ».
Car si le couple est « parfaitement satisfait et comblé par sa sexualité, il ne faut pas chercher à atteindre une norme statistique »… pour la simple et bonne raison que cette fameuse « moyenne » de deux à trois rapports par semaine n’en est pas une. D’une part, parce que lorsqu’on les interroge sur le sujet, les sondés ont tendance à exagérer leurs performances. Et d’autre part parce que, « si on prend un couple qui a un rapport par mois et un couple qui a un rapport par jour, et qu’on en conclut que la moyenne, c’est un rapport tous les quinze jours, c’est une ineptie statistique ».
On l’aura compris, le Dr Collier n’aime pas trop s’attacher aux chiffres. Il préfère rappeler que la fréquence des rapports est « extrêmement variable d’un couple à l’autre. Et, au sein d’un seul et même couple, cela dépend de l’âge, de l’ancienneté du couple, de l’époque, des circonstances… Enormément de paramètres entrent en compte ».
Grossesse, ménopause, stress, maladie…
Une période comme la grossesse, par exemple, engendre des situations où « la future maman est concentrée sur son ventre et n’a plus de désir. De son côté, le futur papa a la peur inconsciente de faire mal au bébé. Résultat : il n’y a aucune sexualité pendant cette période. A l’inverse, chez certaines femmes, on observe une exacerbation du désir pendant les premiers mois. Ou dans les couples en désir d’enfant, une concentration des rapports autour de l’ovulation et rien les trois autres semaines du mois… ».
La ménopause est aussi une période où les rapports peuvent être plus rares : « les femmes sont certes débarrassées du souci de la contraception, mais il y a le poids symbolique de cette ménopause et les symptômes associés au bouleversement hormonal » qui peuvent peser sur l’activité sexuelle du couple… pour un temps seulement. « A distance de la ménopause, on constate parfois une nouvelle énergie sexuelle au sein des couples ».
La maladie ou la peur de la maladie peuvent aussi avoir un impact. « Un petit événement cardiaque chez un homme dans la quarantaine s’accompagne souvent d’une baisse de fréquence des rapports ». Le stress joue également un rôle : « S’il arrive parfois que les couples augmentent la fréquence des rapports pour se rassurer, se réconforter, le plus souvent la préoccupation professionnelle ou familiale occupe tout le champ psychologique ». Et ne laisse pas beaucoup de place pour les câlins.
En parler (et consulter)
Pour le Dr Collier, la « fréquence normale », c’est finalement « celle qui convient à tous les deux ». Et lorsque les deux membres du couple ne sont pas sur la même longueur d’onde, il ne faut pas hésiter à en parler bien sûr, et à consulter. Seul un thérapeute formé et compétent parviendra à déterminer si le couple est confronté à « un asynchronisme de désir (‘je n’ai plus envie de toi’) ou si cet asynchronisme est lié à des éléments extérieurs (le travail, les enfants…) qui viennent perturber le désir ».
Plusieurs séances sont nécessaires, où le thérapeute reçoit le couple ensemble, et chacun de ses membres. « Il faut en général quatre ou cinq séances pour avoir tous les éléments du puzzle », précise le spécialiste. Afin de déterminer si le manque de désir est lié à un stress professionnel ou des histoires de chaussettes qui traînent, ou si le mal est plus profond.
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Source : Interview du Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle – 6 avril 2022
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Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet