Du sexisme et du harcèlement à l’école des médecins
17 novembre 2017
©ISNI
Le harcèlement sexuel et le sexisme sont au cœur de l’actualité depuis l’affaire Weinstein aux Etats-Unis et le #balancetonporc en France. Pour évaluer le sexisme et les comportements inadéquats au cours des études de médecine, particulièrement longues et compétitives, un syndicat d’internes a mené l’enquête. Ses constats sont alarmants et révèlent des inégalités flagrantes entre femmes et hommes.
« En France, il existe de nombreux témoignages dénonçant le sexisme à l’hôpital et durant les études médicales », indique l’Intersyndicale nationale des Internes (ISNI). Mais aucune n’avait jusque là analysé la période spécifique des études de médecine. Raison pour laquelle l’ISNI s’est emparé de la question en lançant une enquête nationale sur le sujet.
Résultat, 2 946 réponses ont été recueillies, parmi lesquelles 75% émanent de femmes. Le harcèlement sexuel a été rapporté par 8,6% des répondants. Mais 34% ont évoqué des « attitudes connotées au moins une fois ou quelquefois ». Dans 50% des cas, le type de harcèlement consistait en un « geste non désiré ». Etaient également rapportés une « simulation d’acte sexuel », un « chantage à connotation sexuelle » et une « demande insistante de relation sexuelle ».
Près de la moitié des auteurs de ces actes de harcèlement se révèlent être des médecins supérieurs hiérarchiques. Dans seulement 0,15% des cas, une procédure juridique a été initiée.
Sexisme ordinaire, pain quotidien
Qu’est ce qui rend possible de tels comportements ? Le sexisme, considéré comme une norme, un rapport de force naturel entre femmes et hommes, autorise ces actes pourtant répréhensibles. Ainsi, les résultats le concernant dans cette enquête ne font que renforcer le constat d’une discrimination entre les genres institutionnalisée.
Dans le détail 47% des internes répondants se déclarent victimes de sexisme au quotidien. Par sexisme, les auteurs de l’enquête entendaient « le sexisme ordinaire fait de stéréotypes, de blagues, de remarques ». Les femmes sont nettement plus concernées puisqu’elles sont 60,8% à se déclarer victimes contre 7,2% d’hommes. Lesquels ne sont donc toutefois pas totalement épargnés.
Reste que, sans pour autant en être toujours la cible, une large majorité d’internes en médecine (88,4%) déclare avoir été témoin de blagues sexistes.
Des conséquences sur la carrière des femmes
Le sexisme, tout comme le harcèlement sexuel a des conséquences graves sur les victimes. Le bien être est affecté et le stress engendré se révèle néfaste pour la santé physique et mentale. Ce qu’avait déjà démontré le rapport de 2015 du Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) intitulé Sexisme dans le monde du travail : entre déni et réalité. De plus, l’enquête de l’ISNI sur les risques psycho sociaux réalisée auprès d’étudiants en médecine en 2017 rapporte un taux d’anxiété très important, notamment chez les femmes.
Dernier point, et non des moindres pour des étudiants en médecine, les conséquences sur l’orientation professionnelle et la carrière. « Notre enquête met en évidence une influence de ce sexisme sur l’orientation vers une spécialité ou un lieu d’exercice », indiquent les auteurs. Ainsi, « on observe une différence significative de l’accès à des postes de recherche pour les internes victimes de sexisme ». Souvent des femmes, ces médecins ont davantage de mal à concrétiser une carrière hospitalo-universitaire.
Pour lutter contre le sexisme et faire évoluer la situation, l’ISNI propose trois grandes recommandations :
- Lutter contre le harcèlement sexuel en brisant le tabou et en dénonçant les auteurs de ces agissements ;
- Rendre visible le sexisme quotidien en en prenant conscience collectivement ;
- Briser le plafond de verre en luttant contre l’autocensure et en permettant l’accès aux carrières hospitalo-universitaire sans aucune discrimination.