Soigner les traumatismes de la guerre au plus vite

12 juillet 2013

Suite aux traumatismes de guerre, les soldats risquent de développer un état de stress aigu. ©ECPAD

Prévenir la survenue d’un état de stress post-traumatique chez ses militaires. L’armée française met tout en œuvre pour y parvenir. Des psychiatres présents sur les théâtres d’opérations, des débriefings très précoces… plusieurs dispositifs permettent de traiter les conséquences des traumatismes de la guerre.

Les contextes d’intervention en terrain de guerre, comme c’est le cas en Afghanistan ou au Mali pour l’armée française, constituent des engagements à risque. Du point de vue de l’intégrité physique des militaires bien sûr, mais aussi psychologiques. C’est pourquoi, depuis décembre 2007 un psychiatre se trouve en permanence dans les zones d’intervention. Son rôle, « rencontrer les soldats dans les bases avancées pour faire le point sur leur état de santé mentale et les prendre en charge si besoin », indique le Dr Jean-Philippe Rondier, adjoint du service de psychiatrie de l’Hôpital d’Instruction des Armées – Percy (Clamart). « Nous sommes également présents pour répondre à une demande émanant d’un soldat. »

De l’état de stress aigu à l’état de stress post-traumatique

Exposés à des situations difficiles sur le théâtre des interventions militaires, les soldats risquent de développer un état de stress aigu. « Celui-ci se caractérise notamment par le syndrome de répétition traumatique (cauchemars, réminiscences diurnes…) et d’autres troubles du registre anxieux (angoisse, sentiment d’horreur, rappel des odeurs, des bruits…) », explique le Dr Rondier. Il est provoqué par « la rencontre avec la mort dans une réalité concrète, avec une imminence de la menace dans une dimension de surprise. Et bien que nous sachions tous que nous sommes mortels, aucun d’entre nous ne veut y croire ».

Cet état, non traité, dure jusqu’à 4 semaines. « Ensuite, nous estimons que le patient entre dans un état de stress post traumatique (ESPT), avec une forme de chronicité. » L’objectif de la prise en charge précoce des militaires souffrant d’un état de stress aigu, difficile à diagnostiquer, est d’éviter le passage à l’ESPT.

Des expériences historiques

« Nous essayons d’intervenir au plus vite après des événements d’une gravité particulière », insiste Jean-Philippe Rondier. « Après l’épisode de Gwan, en Afghanistan, par exemple, des débriefings individuels et en groupes ont été organisés pour favoriser l’élaboration d’un récit par les patients et jeter les bases d’une relation thérapeutique qui peut se prolonger au retour de mission. » Le 20 janvier 2012, à Gwan, un taliban infiltré dans l’armée afghane a tiré sur des soldats français au sein même de la base, partagée par les deux armées. Résultat, 4 morts et 14 blessés. Un traumatisme fort dans les rangs hexagonaux.

L’importance de la prise en charge précoce de l’état de stress aigu n’est pas une notion récente. « En 1915, en pleine Première Guerre mondiale, des neuropsychiatres s’étaient rendu compte que pour être efficaces, il fallait être au plus près du front », raconte le Dr Rondier. « Basés dans les gares de triage, ils avaient pu observer que les troubles psychiques de guerre régressaient rapidement s’ils étaient pris tôt. » Cette notion est par la suite restée en sommeil pendant de nombreuses années, pour être enfin réactualisée en 1990, lors de la Première Guerre du Golfe.

Le commandement était inquiet car des risques d’utilisation d’armes chimiques avaient été évoqués. Il avait à l’esprit que l’emploi d’ypérite avait provoqué des scènes de panique pendant la Première Guerre mondiale. De plus, les officiers prévoyaient un combat de chars intense, comparable à celui de la guerre du Kippour en 1967. Là encore, les Israéliens avaient relaté des conséquences psychiques importantes dans leur armée. Par conséquent, l’armée française a déployé 5 psychiatres sur le terrain, pendant toute la Première guerre du Golfe. A partir de ce moment-là, la psychiatrie est devenue une spécialité projetable dans l’armée, au même titre que les réanimateurs, les chirurgiens…

Ecrit par : Dominique Salomon – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Source : interview du Dr Jean-Philippe Rondier, adjoint du service de psychiatrie de l'Hôpital d’Instruction des Armées - Percy, 27 juin 2013

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