Sommeil : les hypnotiques augmenteraient le risque de décès

28 février 2012

Une étude américaine rapporte que les hypnotiques induiraient une augmentation de la mortalité: même lorsqu’ils sont pris très occasionnellement, ces derniers augmenteraient le risque de mort précoce et de cancers. Utilisés pour induire et/ou maintenir le sommeil, ces médicaments font figure de blockbusters et les Français en sont des utilisateurs intensifs.

Publié par le British Medical Journal ‘Open’, le travail de Daniel F Kripke et ses collaborateurs a été mené sur 10 500 volontaires âgés en moyenne de 54 ans. Ils ont été suivis durant deux ans et demi, période au cours de laquelle ils ont pu recourir – régulièrement ou occasionnellement – à un ou des médicaments hypnotiques : des benzodiazépines, ou d’autres hypnotiques tels que le zolpidem, l’eszopiclone ou le zaleplon, mais aussi des barbituriques ou des sédatifs antihistaminiques. Une très large variété donc, de « médicaments pour dormir »…

Cet important groupe de patients a été comparé à une seconde cohorte, composée de 23 500 sujets qui ne prenaient aucun médicament pour dormir. Ces volontaires présentaient les mêmes caractéristiques d’âge, de sexe et d’hygiène de vie que la population étudiée. Leur état de santé, leur poids et leur origine ethnique ont également été pris en compte. La seule différence entre les deux groupes résidait donc dans la consommation de médicaments hypnotiques.

Plus la prise de somnifères croît, plus les risques de mortalité et de cancer augmentent

« A partir de (seulement, n.d.l.r.) 18 prises de ces médicaments sur une année, le risque de décès prématuré est multiplié par 3,5 » soulignent les auteurs. Il augmenterait avec la quantité d’hypnotiques consommés. En effet, entre 18 et 132 prises par an, le risque de décès serait quadruplé voire quintuplé au-delà de ce chiffre. Les utilisateurs d’hypnotiques « à hautes doses » verraient également leur risque de cancers –tous types confondus- accru de 35 %.

A prendre avec des pincettes

Ces résultats toutefois, doivent être interprétés avec prudence. Les auteurs eux-mêmes font valoir que leurs travaux n’indiquent en aucun cas « un lien de cause à effet » entre la prise d’hypnotiques et l’augmentation des risques.

Neurologue et directeur du laboratoire du sommeil au CHU de Montpellier, le Pr Yves Dauvilliers partage cette prudence. Il regrette notamment que « les auteurs ne précisent pas la pathologie sous-jacente ayant conduit à la prise de traitements, une insomnie primaire, une insomnie avec dépression, une insomnie avec anxiété…. Qu’en est-il de la somnolence associée ? Ces éléments sont majeurs pourtant pour préciser la responsabilité respective des médicaments ». Reste de plus à déterminer dans ce travail les causes de mortalité chez les sujets exposés aux hypnotiques !

A ses yeux, ces résultats « constituent néanmoins un argument supplémentaire pour réévaluer régulièrement le rapport bénéfice/risque de ces molécules dans la prise en charge des troubles chroniques du sommeil ».

Pour aller plus loin :

– Insomnie, insomnie quand tu nous tiens… : lisez le dossier de Destination Santé sur les insomnies et leur prise en charge;
– Benzodiazépines : pour un sevrage en douceur.

  • Source : BMJ Open 2012; 2:e000850 doi:10.1136/bmjopen-2012-000850, Daniel F. Kripke et al, Hypnotics’ association with mortality or cancer : a matched cohort study – le 27 février 2012

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