Surexposés aux écrans, les enfants semblent autistes ?
24 mai 2017
Mamaza/shutterstock.com
L’envahissement de notre environnement par les écrans est une réalité. Les tout-petits n’y échappent pas. Si les sociétés savantes de pédiatrie ont depuis longtemps émis des recommandations pour limiter leur exposition au numérique, des médecins des services de la Protection maternelle et infantile (PMI) en région parisienne sonnent l’alarme. Selon eux, l’exposition massive à la télévision, aux tablettes et autres smartphones provoque des dégâts considérables sur le développement des jeunes enfants.
« Au cours de 15 dernières années, nous avons observé une explosion des signalements de retards de développement chez les enfants de moins de 4 ans », indique le Dr Anne-Lise Ducanda, médecin de PMI à Viry-Châtillon dans l’Essonne. « Pour les cas les plus graves, cela se manifeste par des symptômes qui ressemblent à des troubles autistiques, sans en être réellement. » Des petits de 2 ans qui ne répondent pas à leur prénom, des enfants qui restent dans leur bulle, un comportement obsessionnel et se jette sur le smartphone de leurs parents…
Après avoir interrogé les parents, le dénominateur commun est devenu évident pour cette professionnelle de terrain : « une forte exposition aux écrans, souvent jusqu’à 12h par jour ». La télévision allumée en permanence alors que le petit de 15 mois joue dans le salon, la tablette pour s’endormir, le portable pour calmer… « Et les parents ne pensent pas mal faire », souligne le Dr Ducanda. « Nombre d’entre eux estiment même qu’il est bénéfique de préparer les enfants au monde d’aujourd’hui, au numérique. » Or c’est là que l’erreur peut avoir de graves conséquences.
Des effets sur un cerveau en formation
« Le cerveau humain est immature à la naissance », rappelle le Dr Jean-Michel Pedespan, responsable de l’unité de neurologie pédiatrique du CHU de Bordeaux. C’est en interagissant avec son environnement, en 3 dimensions, et en utilisant les 5 sens, que les réseaux neuronaux se constituent. « Les connexions vont se faire de façon lente, par étapes successives, à condition que le processus de maturation se fasse convenablement ».
Or « une exposition précoce et répétitive de stimulation visuelle est susceptible d’envahir certains circuits neuronaux qui initialement étaient voués à d’autres fonctions », poursuit-il. « Le développement se fait de façon aberrante. » Ce qui risque, à terme, de « créer une réduction de l’espace cortical disponible ». Ainsi, « des expériences trop précoces, trop intenses et inadéquates aux besoins de l’enfant peuvent perturber cette mécanique neuronale extrêmement précise et génétiquement déterminée dans son organisation qui est très subtile », ajoute-t-il. A noter que « l’usage des écrans pour communiquer par Skype avec la famille géographiquement éloignée permet de resserrer les liens relationnels ».
Est-ce réversible ? Par expérience, Anne-Lise Ducanda pense que c’est le cas. Généralement, « un mois après le sevrage de l’exposition massive, le comportement et le développement de l’enfant reviennent dans la norme », raconte-t-elle. « Sauf pour ceux qui présentent réellement un profil autistique », précise-t-elle. Le Dr Pedespan est plus mesuré. « On peut imaginer que ça puisse avoir des conséquences irréversible, mais ce n’est pas démontré », note-t-il.
Quoi qu’il en soit, « les parents veulent bien faire », assure le Dr Ducanda. Il faut donc les informer et les aider à éloigner leurs tout-petits des écrans.
En pratique, comment les sevrer ?
« Ça le calme, ça l’occupe, il regarde tout seul sur Youtube des petits dessins animés ou fait des jeux éducatifs »… Comment revenir, en pratique, sur ces comportements déjà bien installés dans la famille ? « Il est difficile de modifier ces habitudes », admet le Dr Ducanda. Et ce, d’autant plus s’il y a une fratrie. « Les recommandations 3-6-9-12 sont impossibles à appliquer quand on a un enfant de 10 ans et un de 5 par exemple. »
Pourtant, les parents sont volontaires lorsqu’ils comprennent l’importance de sevrer leurs enfants des écrans. « Il faut que ce soit une démarche familiale », note-t-elle. Et « s’il est trop dur de le laisser regarder un peu le téléphone ou la tablette car il fait des crises quand ça s’arrête, mieux vaut ne rien donner du tout avant 5 ans », conseille-t-elle. Dans tous les cas, « il faut toujours accompagner l’enfant avant 5 ans », ajoute le Dr Pedespan.
Pour Anne-Lise Ducanda et ses collèges, « il faudrait un plan Marshall sur l’éducation, le numérique, le marketing pour prévenir les parents des risques encourus ». Sans cela, « nous aurons une génération sacrifiée », conclut-elle.
Pour en savoir plus, regardez l’intégralité de la vidéo du Dr Ducanda :
Source : interview du Dr Anne-Lise Ducanda, médecin en PMI dans l’Essonne, 22 mai 2017 – interview du Dr Jean-Michel Pedespan, responsable de l’unité de neurologie pédiatrique du CHU de Bordeaux, 23 mai 2017
Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet
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