Tabac : Genève réalise lunion sacrée
21 mai 2003
Plus de 10 millions de vies épargnées chaque année à lhorizon 2030 ! Au terme dun vote par acclamations, les 192 délégations rassemblées mardi à Genève par lOMS ont traduit par un texte sans précédent le consensus mondial contre le tabac.
En adoptant la Convention cadre pour la Lutte antitabac, lAssemblée mondiale de la Santé a pris une décision « historique » puisquil sagit du premier traité de santé publique jamais élaboré. Il aura fallu plus de trois ans de travaux pour parvenir à ce texte, qui représente le plus petit commun dénominateur politique en matière de lutte contre le tabagisme.
Une victoire personnelle pour Gro Harlem Brundtland certes. Mais aussi pour tous ces pays si différents, unis par la crainte de voir le tabagisme devenir demain « le principal tueur de nos petits-enfants », comme le leur avait expliqué la veille celle qui doit quitter la direction de lOMS le 20 juillet prochain. Pour lInde dont le ministre de la Santé, Shandrima Swaraj, a salué « la décision pionnière » prise par lOrganisation. Pour la Zambie, qui a fait savoir par la voix de son représentant le ministre de la santé D. Chituwo, quil allait « signer (la convention) des deux mains, bien que la culture du tabac représente 30% du revenu national total. »
Pour autant, les responsables de la santé ne sont pas au bout de la route. Certes, les grandes lignes de la lutte contre le tabagisme sont maintenant posées : interdiction de fumer dans les lieux publics et les espaces dévolus aux activités pédagogiques, limitation du nombre de points de vente, interdiction de la publicité, de la vente aux adolescents
Mais quels seront les pays signataires de la convention ? Car à ce stade les présents ont adopté les termes de sa rédaction, et ceux de la résolution de lOMS qui en permettra la mise en oeuvre. Chaque pays devra ensuite sengager individuellement dans la voie de son application, en signant le texte au niveau gouvernemental et en adaptant sa législation nationale.
Tous ne suivront pas cette route difficile. Il y aura dabord les pays qui naiment pas les conventions et les traités dès lors quils interfèrent si peu que ce soit avec leurs prérogatives intérieures. Il y aura également ceux qui auront du mal à résister aux pressions des très puissantes sociétés productrices de tabac. Ceux là auront besoin que les plus riches les aident dans leur résistance. La Zambie a déjà appelé la communauté internationale à veiller au strict respect de larticle 26 de la convention concernant « le financement de la diversification des cultures. »
Car les pays en développement craignent les pressions de compagnies qui ont le pouvoir de leur couper les vivres. Presque autant quils sont effrayés par les effets dévastateurs du tabac dans leur population : « 50% des jeunes et 40% des adultes de Namibie sont fumeurs, 16% de tous les décès signalés sont associés au cancer dont la plupart sont causés par lusage du tabac », a souligné L. Amathila, le ministre namibien. Une bien curieuse conception du progrès, dans des pays où le vrai choix est souvent de fumer ou de manger. Car on a rarement assez de moyens pour les deux