Tabac : Sevrage au Pays des Soviets

04 octobre 2011

Un médicament élaboré durant la guerre froide par des chercheurs soviétiques, sera-t-il le prochain remède miracle utilisé pour s’arrêter de fumer ? Ce n’est pas la base d’une version à contre-emploi de Permis de Tuer, mais bel et bien ce qui ressort d’une étude britannique publiée dans le New England Journal of Medicine. La nouvelle petite merveille est un produit naturel, la cytisine, extrait d’une variété d’acacia. Et elle se démarquerait des autres médicaments par son prix, a priori plus abordable. Du moins, en principe…

Vendu sous le nom de « Tabex® », ce médicament n’est pas tout neuf. Il est en effet utilisé depuis… plus de 40 ans dans les pays de l’Est, précisément aux fins de sevrage tabagique. A tel point que les Soviétiques l’avaient nommé « le faux tabac ». En 1964, il fut vendu pour la première fois en Bulgarie puis dans d’autres « pays frères », dont la Pologne.

Selon le Pr Robert West du University College de Londres, « la cytisine extraite des graines de Laburnum, est un agoniste des récepteurs α4β2. Ce qui signifie en clair, qu’elle mime les effets de la nicotine sur l’organisme ».

Les chercheurs s’y sont donc intéressés, vérifiant son innocuité et testant son efficacité. Les 740 participants polonais de l’étude publiée dans le New England, fumaient tous plus de 10 cigarettes quotidiennes. Durant 25 jours, la moitié a été traitée par ce produit, les autres recevant un placebo. Résultat au bout d’un an, le taux d’abstinence a été de 8,4% dans le premier groupe, contre 2,4% dans le second… soit 3,5 fois plus.

Un produit bon marché ?

En plus de son efficacité, les auteurs mettent en avant l’aspect « bon marché » de la cytisine. Il est vrai qu’elle peut paraître peu onéreuse, dans la mesure où le prix de ses formes génériques varie de 5 à 17 dollars (soit environ 4 à 13 euros) pour un traitement de 3 à 4 semaines. D’après Robert West, « ce produit est si bon marché que même dans les pays en développement, si vous avez de quoi fumer vous avez de quoi vous l’offrir pour arrêter ».

« Un produit efficace, peu cher et naturel, c’est le rêve. Du moins sur le papier » s’enthousiasme déjà le Dr Claude Guillaumin, Président de France Réseau des Addictologues comportementalistes et Tabacologues (FRACTAL) qui ne connaissait pas ce substitut. Sur le papier seulement ? Plusieurs zones d’ombre persistent en effet. « Les traitements de substitution nicotinique – dont le principe actif est pourtant très bon marché, n.d.l.r. – sont déjà chers. Mais leur prix varie du simple au double, voire au triple selon les officines » continue Claude Guillaumin.

Des propos confirmés par Peter Hajek, qui dirige l’unité de recherche sur la dépendance au tabac à l’hôpital universitaire Queen Mary de Londres. Selon lui en effet, « des essais cliniques plus larges, des comparaisons avec des produits validés sont nécessaires avant d’envisager une mise sur le marché européen ou américain. L’implication d’un grand groupe pharmaceutique pourrait d’ailleurs faire flamber les prix… » Beaucoup de « si » avant de trouver ce produit, présenté comme miracle, dans nos pharmacies.

  • Source : New England Journal of Medicine, 29 septembre 2011; Interview du Dr Claude Guillaumin, 3 octobre 2011 ; Hôpital universitaire Queen Mary de Londres, consulté le 4 octobre 2011

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