Télé réalité : l’exception médicale ?
14 février 2003
Cinq des six praticiens qui participent à l’émission J’ai décidé de maigrir, diffusée par la chaîne M6, viennent de recevoir des demandes d’explications de leur Conseil départemental de l’Ordre. Pas le sixième, pour des raisons curieuses…
Le Conseil départemental des Hauts-de-Seine dont relève ce dernier praticien, serait en effet toujours « à la recherche de ses coordonnées ». Ce qui porte à croire qu’au moins une des accusations formulées à l’encontre des six comparses – celle de se livrer à de la publicité personnelle – devrait tomber d’elle-même : quelle publicité est-ce là, qui ne permet pas même de retrouver celui qui la commandite ?
Que ce soit dans les Hauts-de-Seine donc mais aussi à Paris et dans les Bouches-du-Rhône, les reproches formulés par l’Ordre sont les mêmes : atteinte à la considération de la profession médicale, violation du secret médical et peut-être « actes médicaux prohibés » s’il s’avérait que ces médecins sont rémunérés pour la circonstance par une entreprise commerciale. Ils doivent pour lever toute ambiguïté, communiquer le contenu de leur contrat à leur Conseil départemental, comme le code de déontologie professionnelle en fait d’ailleurs obligation à tout praticien qui s’engage dans une relation salariée. Il est en effet primordial dans ces conditions, de s’assurer que les intérêts du malade priment en permanence sur ceux de l’entreprise qui rémunère le praticien.
Responsables de la chaîne et médecins, les intéressés font front commun. Ils dénoncent un mauvais procès et nient toute violation du secret médical. Ils invoquent l’existence de bien d’autres émissions de télévision auxquelles participent des médecins, hospitaliers ou libéraux. Il faut toutefois observer que leur format télévisuel est plus proche de l’information que du spectacle, ce qui expliquerait au moins en partie la différence de traitement dont l’émission de M6 fait l’objet.
Le pêché d’orgueil ordinal…
La tendance à l’exhibitionnisme qui se fait jour dans la conception des émissions télévisées paraît donner raison aux « modernes » contre les « anciens », mais le débat n’est pas si simple. Le dialogue du médecin avec son patient doit rester singulier. C’est la garantie que tout peut y être évoqué dans une relation de totale confiance. Que va-t-il se passer si, au cours de son régime, tel ou tel patient est submergé par un problème qui impose un changement radical de stratégie mais qu’il ne souhaite pas porter sur la scène publique ? Les scènes seront-elles expurgées ? Le caractère « véridique » de l’émission serait alors mis à mal. C’est sûr, les avatars du Loft pèsent lourd dans l’affaire qui mobilise aujourd’hui le Conseil de l’Ordre. Il serait bien injuste de taxer trop vite de ringardise ceux qui se veulent d’abord les gardiens de l’intérêt du patient, mais…
En revanche, il semble acquis que le Conseil national ait pêché par paresse ou par… superbe. Mac Lesggy, producteur et animateur de l’émission, affirme avoir écrit au Conseil national pour demander à être reçu avant de formater l’émission. L’objectif était de s’assurer que le projet serait conforme à la déontologie. Malheureusement, son courrier n’a reçu pour toute réponse qu’une lettre laconique contenant « des extraits des articles 13, 19 et 20 » du Code de déontologie, a confié Lesggy au Quotidien du médecin Avocat du colloque singulier, l’Ordre prouve ici son incapacité à communiquer dans la transparence. Cela tombe bien mal pour l’institution, dont les instances nationales ont du récemment être renouvelées pour avoir prouvé leur incapacité… à dialoguer avec leur propre base.