Traquer le trachome !

01 juillet 2016

Le trachome est l’une des maladies infectieuses les plus anciennement connues. Plus de 8 millions de personnes souffrent de la forme avancée de la maladie, cause majeure de cécité dans le monde. Pourtant, des solutions existent pour venir à bout de ce mal ? Alors comment se mène au quotidien le combat ? Reportage en Afrique auprès de populations touchées. 

Le trachome est causé par la bactérie Chlamydia trachomatis, qui se propage entre personnes (mains, vêtements). Les mouches, attirées par les sécrétions oculaires rouges et collantes peuvent également transmettre la maladie. La pathologie est dite « hyperendémique » dans un grand nombre des régions parmi les plus pauvres et les plus rurales de 51 pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud, du Moyen-Orient et en Australie.

La forme avancée de la maladie  se caractérise par un retournement des cils vers l’intérieur. A la clé : une déficience visuelle, voire une cécité. En fait, le trachome est la principale cause évitable de cécité dans le monde.

Une maladie au long cours

Les patients touchés par le trachome ne deviennent pas automatiquement aveugles. La maladie se manifeste progressivement. Bien que les enfants soient les plus susceptibles de contracter l’infection, ils peuvent n’en remarquer les effets qu’une fois adultes, lorsque la cicatrisation faisant suite à des infections à répétition provoque ce retournement de cils et le frottement de ces derniers sur la cornée.

L’exemple ougandais

En avril dernier, nous nous sommes rendus en Ouganda pour apprécier les efforts mis en œuvre sur le terrain pour lutter contre la maladie. Car oui, des solutions existent. En 1996, l’OMS a adopté la stratégie CHANCE. Cette dernière entend lutter dans les pays d’endémie. Il s’agit en clair d’une approche de santé publique alliant traitement (CHirurgie et Antibiotiques) et prévention (Nettoyage du visage et Changement de l’Environnement) afin d’en finir avec cette maladie d’ici 2020 (Initittive GET 2020).

Au sud du pays, dans le district de Mayuge, non loin de la frontière kenyane, nous rencontrons le premier public visé par les campagnes de santé publique : les enfants. Dès leur plus jeune âge, ils sont sensibilisés au trachome, et ce par le biais de l’école. Ici, le message est clair « le trachome n’est pas une fatalité », martèlent les enseignants. L’usage et l’accès à l’eau sont des facteurs déterminants dans la transmission du trachome. L’accès à des latrines ou le nettoyage du visage reposent sur l’éducation sanitaire. Des méthodes créatives voient le jour, comme l’approche « enfant à enfant » qui utilise des enfants plus âgés pour influencer le comportement des plus jeunes.

Cette nouvelle génération annonce-t-elle la fin de la pathologie sur le sol ougandais ? Ce qui est certain en tout cas, c’est que ces enfants sont au fait de la maladie. Parfois beaucoup plus que leurs parents. Cela fait maintenant 5 ans que la campagne de sensibilisation en milieu scolaire a été lancée… et plus un seul cas de trachome n’a été recensé dans l’établissement visité depuis 2 ans !

La chirurgie en dernier recours

Mais si les enfants sont les principaux touchés, n’oublions pas que l’évolution de la maladie se fait à bas bruit. Bien souvent les jeunes patients ont grandi avec le trachome. A l’âge adulte, seule la chirurgie peut leur sauver la vue. Dans un centre de soin dédié, toujours dans le district de Mayuge, des patients attendent leur opération. L’initiative GET2020 leur garantit une intervention gratuite. Là nous rencontrons Muadiuma. Elle a 72 ans et la maladie l’empêche de voir depuis… 1994.

La perceptive de « refaire tout ce qu’elle faisait avant » lui fait attendre son tour avec enthousiasme. Nous entrons dans la salle d’opération. Exiguë, elle n’est pas sans rappeler une salle de classe où 2 tables attendent les malades. La chaleur a poussé les chirurgiens à ouvrir les fenêtres en grand. Contexte surréaliste où les patients se succèdent au son des poules qui caquettent. Après une anesthésie locale, les médecins entrent en action pour ce qu’ils nomment « une opération de routine ». Leur but étant de supprimer le frottement des cils sur le globe oculaire. Une opération nommée « rotation bilamellaire du tarse ».  Pour cela, «  on pratique une incision de la paupière supérieure », nous explique le chirurgien tout en continuant à travailler. « La partie de la paupière contenant les cils est retournée vers l’extérieur. Cette position est ensuite maintenue par sutures ».

Au sortir de l’établissement, nous rencontrons des patients préalablement opérés. Beaucoup rapportent une vision plus claire et une diminution de la douleur oculaire.

Notons que l’antibiothérapie permet de traiter efficacement la maladie active. L’élément « antibiotiques » de la stratégie CHANCE vise ainsi à supprimer la transmission dans la communauté en traitant le foyer d’infection dans des groupes spécifiques (familles, voisinages…). La section philanthropique des laboratoires pharmaceutiques Pfizer inc. international possède le brevet de l’azithromycine (Zithromax®), un antibiotique à longue durée d’action. Ainsi, depuis 1999, Pfizer a fait don de 530,5 millions de doses de Zithromax® à 31 pays.

Une action menée dans le cadre de l’International Trachoma Initiative (ITI). Concrètement, cette initiative collabore avec des agences (gouvernementales ou non), que ce soit au niveau local, national et international afin de mettre en œuvre la stratégie CHANCE.

En 2013, à l’échelle mondiale, près de 234 000 personnes ont bénéficié d’un traitement chirurgical et 55 millions d’une antibiothérapie.

  • Ecrit par : Vincent Roche, envoyé spécial en Ouganda, 11 – 15 avril 2016 – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils