Travail : le stress, mal du siècle ?
30 octobre 2002
Le stress : tout le monde connaît. En France, trois cadres sur quatre déclarent en souffrir. Avec des causes et conséquences qui peuvent être totalement différentes d’un individu à un autre. Coup de projecteur sur un problème qui fait plus de 10 000 victimes chaque année au Japon…
Le stress a reçu sa première définition médicale par le Canadien Hans Seyle en 1936. Il a le premier, démontré que notre organisme a une manière unique de répondre à des agressions diverses : la désormais fameuse décharge d’adrénaline. Biologiquement, le stress est donc une réponse physiologique à une contrainte extérieure. Laquelle peut être aussi bien physique (une douleur…) que psychologique (relation avec autrui, hiérarchie, émotion…).
La tension psychologique a été maintes fois décrite. Parmi ses dizaines de définitions, retenons l’approche des Américains Lazarus et Folkman en 1984, qui la définissent comme « une relation entre la personne et son environnement, qui est évaluée par la personne comme tarissant ou excédant ses ressources, et menaçant son bien-être. » Un peu théorique peut-être… mais dans la vie professionnelle, les situations stressantes sont légion !
Patrick Légeron est psychiatre à l’Hôpital Sainte-Anne de Paris. Dans le stress au travail (Odile Jacob éd.), il dénonce la surcharge comme la première source de stress professionnel. Mais aussi « le culte de la performance et du dépassement, l’anxiété de la performance » et même l’invasion des e-mails et… la réduction du temps de travail.
De l’anxiété à… la mort par épuisement !
L’environnement de travail – bruit, qualité de l’air…-, les relations entre collègues ou avec la hiérarchie, l’absence de perspectives ou de reconnaissance professionnelle, la précarité ou les changements subis dans le travail sont autant de facteurs de tension. Et leurs conséquences peuvent être multiples : de la simple anxiété à la mort par épuisement, en passant par la dépression ou le suicide.
Le stress qui tue par épuisement, c’est le karoshi bien connu des Japonais. Sans aller jusqu’à cette extrême, en France et d’autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord, les spécialistes observent de plus en plus de cas de syndrome de burn-out ou épuisement professionnel (voir ci-dessous notre rubrique Comprendre).
Bref le travail à ce point-là, ce n’est plus vraiment la santé ! Car s’il peut entraîner un grand nombre de troubles psychologiques, de plus en plus de maladies somatiques paraissent également liées au stress professionnel. Au premier rang desquelles les maladies cardio-vasculaires. D’après une récente étude finlandaise , le stress au travail doublerait le risque de décès par maladie cardiaque. Il serait aussi un facteur aggravant de l’hypercholestérolémie.
Enfin les troubles musculo-squelettetiques, ces TMS derrière lesquels se cachent douleurs dorsales ou lombaires, inflammations des poignets, des coudes ou des genoux, seraient également liés à la tension professionnelle. Au même titre qu’à l’activité physique elle-même.
Vous êtes concerné ? Si vous n’avez pas de prise sur le niveau de pression qui vous est imposé, protégez-vous en adoptant une meilleure hygiène de vie : arrêt du tabac, modération de votre consommation d’alcool et de matières grasses, sans oublier la pratique d’une activité physique. Comme le souligne Patrick Légeron, « les solutions sont à la portée de chacun d’entre nous. » Pour que le travail reste un lieu de construction et non de destruction…
Du burn-out au karoshi…
Le burn-out ou « consomption » est un état d’épuisement professionnel extrême. Sous la pression, les ressources internes en viennent à se consumer, laissant place à un immense vide… alors qu’à l’extérieur tout paraît normal. Le burn-out se traduit par une fatigue intense et des douleurs diffuses avec des migraines. Le sujet éprouve un sentiment d’inutilité, de « déshumanisation » qui se traduit selon Patrick Légeron par un « détachement émotionnel de plus en plus marqué, allant jusqu’à l’absence d’émotion envers les autres, voire une totale indifférence à leur souffrance. »
D’abord identifié dans des professions d’aide ou de soins – médecins, infirmiers, travailleurs sociaux, policiers ou pompiers… – il s’applique aujourd’hui à d’autres professions à engagement personnel fort. Complication grave du stress professionnel, il est surpassé par le karoshi.
Lequel se distingue du burn-out par son issue fatale ! Le karoshi, c’est la mort par épuisement. Au Japon chaque année, 10 000 personnes meurent ainsi au travail. Une étude du ministère de la Santé et du Travail japonais a montré qu’un homme sur quatre a travaillé plus de 80 heures supplémentaires au mois de juillet 2002 ! Un niveau de charge qui, d’après le ministère, expose clairement au karoshi.
Enfin, ne confondons pas stress, tension et… hypertension. Selon un récent sondage de la SOFRES en effet, un Français sur trois fait cet amalgame dangereux. Or si l’hypertension ou HTA exige le recours à des médicaments qui doivent être pris très régulièrement, le stress lui, relève d’une toute autre approche.