Un Danois qui fait feu des 4 fers…

07 juin 2012

Le Danemark est l’un de ces petits royaumes du Nord, qui illustrent le mieux le vieil adage… dont les Français sont bien oublieux : ‘pour vivre heureux, vivons cachés’… La réussite y est discrète, et bien malin qui peut distinguer au premier regard, un capitaine d’industrie d’un employé de bureau ou d’un artiste de renom. Chacun fait sa part de travail, avec une modestie de bon aloi dictée par une véritable loi non écrite, la Janteloven ou Loi de Jante. La même règle prévaut pour les entreprises… et leurs dirigeants : la réussite doit essentiellement être discrète. Fondé en 1915, le laboratoire pharmaceutique Lundbeck ne déroge pas à la règle. En toute discrétion et en cette période de vaches maigres pour l’innovation en recherche, il s’apprête à lancer pas moins de quatre nouveaux médicaments au cours des 18 prochains mois. Particularité : ils ciblent tous la prise en charge de maladies du système nerveux central : dépression, schizophrénie et même la dépendance alcoolique. De quoi anticiper l’expiration (en 2014) du brevet de l’un de ses antidépresseurs phares de la maison. Visite guidée au siège à Copenhague.

Les grilles s’ouvrent sur une « avenue » bordée de bâtiments de verre et de pierre. Ils abritent les centres de recherche mais aussi … l’immense cantine de l’entreprise. Celle-là même où l’heure du déjeuner venue – à 11h45, on déjeune tôt au pays de la petite sirène – se pressent 1 200 personnes. Parmi elles, Ulf Wiinberg. Le Directeur général de l’entreprise – son CEO comme disent les Anglo-saxons pour chief executive officer. A la tête d’un groupe de 6 000 personnes, il patiente sagement dans la file avant de se servir au buffet, plateau en main. Comme tout le monde, sans passe-droits.

L’ « avenue » se termine sur un cube de verre dans lequel il nous reçoit. Montrant les alentours, il explique qu’« ici, tout le monde travaille sur les maladies du système nerveux central (SNC). C’est notre unique axe de recherche. Nous exerçons dans ce domaine depuis les années 40 et contrairement à d’autres entreprises, qui se sont recentrées sur d’autres champs de compétences, nous avons fait le choix de poursuivre dans cette voie ».

Des maladies qui coûtent cher…

C’est un axe de recherche à la fois sensible… et risqué. Un exemple : seulement 8% des molécules développées dans le domaine des maladies du SNC accèdent au marché. C’est moitié moins que les autres nouveaux médicaments. Crise financière oblige, les vents actuels ne paraissent guère porteurs… sauf pour ceux qui apporteront une réelle plus-value par rapport à l’existant.

Le pari est donc dicté par un réel savoir-faire, mais aussi par les chiffres. L’incidence des maladies du SNC est « en très nette augmentation ces dernières années », glisse Torsten Madsen, directeur de l’unité de recherche clinique dépression et anxiété. « Si elles nuisent à la qualité de vie de patients souvent jeunes, ces affections entraînent aussi des coûts directs et indirects élevés : 798 milliards d’euros dans le monde en 2010 ». Madsen fait naturellement référence aux dépenses de santé directes, mais aussi aux coûts indirects de ces maladies : l’absentéisme au travail, les pertes de productivité… Selon lui chaque année, « 38,2% de la population mondiale est victime de ce type d’affection ». Entre la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, les psychoses, la schizophrénie, la dépression, les troubles bipolaires, les addictions, l’épilepsie… le spectre en est particulièrement large !

Dépression, schizophrénie, dépendance à l’alcool…

Lundbeck, dont 70% des parts sont détenus par une fondation dédiée à la recherche en neurologie, a depuis plusieurs années axé toute sa stratégie de recherche sur la réalisation des partenariats qui lui permettent aujourd’hui d’avoir plusieurs molécules dans le pipeline. « Nous espérons en mettre quatre sur le marché au cours des 18 prochains moins » explique Nicolas Giraud, Directeur général de la filiale française. « Cette période est donc stratégique pour nous ». Le groupe danois mise notamment sur l’asénapine, destinée au traitement de la phase maniaque des troubles bipolaires. Déjà disponible sous le nom de Sycrest® en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et en Australie, il devrait « être commercialisé dans les prochains mois en France. Nous sommes actuellement en discussion avec les autorités de régulation », poursuit Nicolas Giraud. Autre arrivant prochain, la vortioxetine, présentée par le groupe danois comme « le premier d’une nouvelle classe d’antidépresseurs multimodaux ». L’aripiprazole IM Depot sera la forme injectable d’Abilify®, un médicament développé dans le « traitement d’entretien de la schizophrénie chez l’adulte ». Enfin le nalméfène – Selincro® – permet de réduire la consommation d’alcool chez les patients dépendants. « Il devrait être disponible en France fin 2012, début 2013 » selon Nicolas Giraud.

L’entreprise dispose ainsi de quatre fers au feu pour préparer la succession de son antidépresseur phare – l’escitalopram ou Cipralex® – qui appartient à la catégorie des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS). Son brevet expire à la mi-2014 et ce médicament à lui seul, représente près de 40% de l’activité de l’entreprise. C’est dire si la période à venir est déterminante.

  • Source : De notre envoyé spécial à Copenhague, 30 et 31 mai 2012

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