Un médecin qui se réserve pour l’armée
05 avril 2013
Une mission SAR consiste en une intervention médicale en mer d’un hélicoptère de la marine. ©Maël Prigent/Sirpa marine
L’océan et ses imprévus, les risques liés à la pêche et à la navigation… Voici bientôt 7 ans que le Dr Laurence Jouineau, médecin urgentiste au centre hospitalier de Morlaix (Finistère) dans le civil, affronte ces dangers en tant que militaire. Réserviste dans la Marine nationale, elle a choisi de consacrer 30 jours par an aux interventions héliportées au grand large. Comme aux 60 000 autres civils – dont 4 000 médecins de la réserve militaire – cet engagement lui tient à cœur.
Basée sur la presqu’île de Crozon dans le Finistère, la base aéronautique navale de Lanvéoc-Poulmic dépend de la Marine nationale. Le sauvetage en haute mer, c’est-à-dire au-delà de 200 milles nautiques des côtes (370 km), figure au nombre de ses missions. Les 134 sauvetages réalisés en 2011 l’ont été avec le concours d’une quarantaine d’hélicoptères militaires, tenus à la disposition du commandement de la base. Lorsqu’une mission de SAR (Search and Rescue – Recherche et secours) est lancée pendant ses jours de réserve, Laurence Jouineau doit être prête à monter dans un de ces appareils. « Je me rends disponible environ 30 jours par an. Durant la semaine, je travaille par créneaux de 24 heures, et le week-end je suis d’astreinte », précise-t-elle.
Traumatologie et médecine générale
Si la plupart de ses journées au sein de l’armée sont consacrées à recevoir des militaires en consultation à l’infirmerie de la base, les sorties en mer représentent l’aspect le plus spectaculaire de son travail de réserviste. « Nos interventions concernent à peu près à parts égales, des cas de traumatologie et de médecine générale », note-t-elle. Bras et jambes cassés, mains abîmées pour les pêcheurs, malaises cardiaques et douleurs abdominales pour les passagers des ferries.
« De nombreuses embarcations de croisière empruntent le rail d’Ouessant, sur la route qui va de l’Angleterre à l’Espagne. La moyenne d’âge des passagers est bien supérieure à celle des equipages de chalutiers et autres embarcations de pêche. » En revanche, les marins sont davantage victimes d’accidents traumatiques. « A Noël, nous avons dû hélitreuiller (hisser sur un hélicoptère en vol stationnaire, n.d.l.r.) un jeune pêcheur qui s’était cassé la jambe à bord d’un chalutier. L’intervention a été difficile car la mer était très agitée », raconte Laurence Jouineau.
Un engagement de service public
Pour être capable de participer à l’hélitreuillage en pleine mer d’un malade ou d’un blessé, le Dr Jouineau, pourtant médecin urgentiste expérimenté, a dû suivre une formation spécifique. « Les exercices se déroulent dans une piscine dédiée. Nous sommes mis dans la situation extrême d’un hélicoptère qui se crashe au large », raconte-t-elle. « Notre objectif est de prendre en charge ses occupants, en attendant les secours. »
Si cette situation est peu probable, elle reste possible. En effet, les appareils militaires sont souvent envoyés en mission dans les conditions les plus difficiles, lorsque même l’hélicoptère de la Sécurité civile (sous tutelle du ministère de l’Intérieur) ne peut pas sortir. « De nuit, en haute mer ou par très gros temps », précise Laurence Jouineau, dont la formation a également consisté en des tests d’apnée et des apprentissages théoriques sur les dangers de la mer.
« Ça me plaît », assure-t-elle. « Et cela fait partie de mon travail en tant que médecin public. Je travaille dans un hôpital et c’est mon devoir d’être au service des gens, des marins. Cela fait partie de ma conception du travail. » Souhaiterait-elle participer à une opération extérieure (une intervention militaire française à l’étranger) ? « Peut-être un jour… mais pour le moment ma plus jeune fille a seulement 4 ans. Et je dois rester disponible pour l’hôpital. »
Ecrit par : Dominique Salomon – Edité par : Emmanuel Ducreuzet
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Source : interview du contre-amiral Antoine de Roquefeuil, secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire, 26 mars 2013 – interview du médecin principal urgentiste, le Dr Laurence Jouineau, 28 mars 2013