Un plan qui tombe à plat ?

29 juin 2004

Il aura fallu 10 ans à la France, après l’adoption du principe même de ce type de plans par la conférence d’Helsinki en 1994, pour se doter d’un Plan national santé environnement. S’agit-il d’une avancée majeure ou… d’une régression programmée ?

La question est purement factuelle. Car si le rapport en question regorge de bonnes intentions, les conditions de sa mise en oeuvre soulèvent quelques doutes. Pas un mot par exemple, du rôle des ingénieurs sanitaires dans la nouvelle politique dont se dote la France. C’est une vraie surprise. Aujourd’hui en effet, ce corps de professionnels formés par l’Ecole nationale de la Santé publique (ENSP) à Rennes, se trouve au centre du dispositif sécurité/santé/environnement…

La surveillance des nitrates ou du plomb dans l’eau, le suivi des plages polluées, la mise en oeuvre du tri sélectif et l’organisation de la collecte des ordures ménagères au regard des exigences de santé, autant de domaines qui relèvent des ingénieurs sanitaires. C’est aussi le cas des études d’impact désormais imposées avant le lancement de grands équipements, pour éviter par exemple qu’une route à venir ne traverse le périmètre de protection indispensable autour des captages d’eau potable. ” Sans ces services nous aurions beaucoup plus de légionelloses dans l’environnement, de nitrates dans les eaux, de logements insalubres et dangereux. Et la population serait encore largement ignorante de la qualité de son environnement ” confie l’un d’entre eux…

C’est hélas probablement vrai. Or ni dans sa version intégrale ni dans son résumé le fameux rapport ne mentionne le rôle alloué à ces ingénieurs, dédiés à la santé. Au contraire, les services ” Santé Environnement ” seront en quelque sorte balkanisés en trois blocs : agriculture, équipement, industrie. Non pas indépendants mais ” dés intégrés “. Comme incapables de communiquer et soumis à tous les risques d’OPA de la part des grands corps qui ont investi l’Etat…

Plus préoccupant, la réforme de l’ENSP prévoirait la suppression pure et simple de la filière de formation des ingénieurs sanitaires. Or elle est à ce jour la seule structure à délivrer un diplôme d’ingénieur spécialisé dans le domaine de la santé environnementale reconnu par l’Etat. Que se passera-t-il en cas de canicule ou de pollution alimentaire ? Malgré l’excellence de sa formation, un ingénieur ” mécaniste ” – Ponts et Chaussées, Mines par exemple – saura-t-il réagir en gardant à l’esprit les spécificités de la santé publique ? Aura-t-il la connaissance et surtout le vécu des réseaux à mettre en branle ? Autant de questions sans réponses. C’est à cause d’elles que sur le terrain, ce si beau plan résonne comme un plat sur l’eau…

  • Source : La Lettre de Destination Santé n°9, 24 juin 2004

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