Urgences cardiologiques : faites le 15
22 avril 2020
Depuis le début de l’épidémie, les appels tardifs pour un infarctus inquiètent les cardiologues. Idem quand les patients annulent des consultations importantes. « Faire le 15 en cas de douleur thoracique et ne pas avoir peur de venir à l’hôpital », voilà les deux messages adressés par le Pr Vincent Probst, chef de service de cardiologie au CHU de Nantes.
« Depuis le début de l’épidémie, le nombre de passage aux urgences a été divisé par deux », décrit le Pr Vincent Probst, chef de service de cardiologie au CHU de Nantes*. « Nous recevons bien moins d’appels, alors qu’il n’y a pas de raison de penser que les accidents cardiovasculaires ont diminué. Entre le début de l’épidémie et aujourd’hui, « on estime que 10 à 15% des patients sujets à une maladie cardiovasculaire n’appellent pas. »
Conséquence, les patients victimes d’un infarctus du myocarde ou d’insuffisance cardiaque arrivent dans un état grave à l’hôpital. La sévérité des cas admis aux urgences ? « Du jamais vu depuis 20 ans », déplore le Pr Probst. « Dans les années 2000, la régulation par le SAMU n’était pas effective, la mortalité par infarctus du myocarde était quatre fois plus élevée qu’aujourd’hui. » Grâce au SAMU, les prises en charge trop tardives pour ces accidents avaient quasiment disparu. Mais désormais, en lien direct avec l’épidémie du Covid-19, « nos soins intensifs sont remplis de patients atteints de formes sévères d’infarctus pouvant nécessiter des greffes cardiaques ou une assistance circulatoire, chez des patients âgés de 50 à 55 ans en moyenne ».
« Les urgences cardiovasculaires, la raison d’être des SAMU »
Un réflexe donc, appelez le 15 en cas de douleur thoracique. Et n’ayez pas peur de déranger les médecins. « Le SAMU est là pour répondre aux urgences cardiovasculaires, c’est d’ailleurs la raison d’être des SAMU », rappelle le Pr Probst. « Il ne s’agit pas de minimiser une douleur thoracique, se dire que ce n’est pas grave. Quand on éprouve ce symptôme, ce n’est pas à vous de réfléchir. Vous appelez le 15 et un médecin régulateur évaluera la situation. » Un réflexe important alors « que l’on craint une explosion des hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans les semaines à venir », alerte le Pr Probst. « Sans compter l’effet d’une très probable seconde vague de Covid-19. »
L’urgence est individuelle… et collective. Les prises en charge précoces augmentent en effet les chances de guérison et limitent les séquelles. « Il vaut mieux traiter le patient quand il est stable, quand le cœur n’est pas encore trop fatigué. » A plus grande échelle, les hospitalisations tardives participent « à l’encombrement des hôpitaux si tous les patients arrivent dans un état critique d’un coup ». Et pour cause : « la durée moyenne d’hospitalisation est de 4 jours si l’infarctus est pris à temps, un délai qui peut passer à 1 mois et demi en cas d’admission tardive. »
« Les patients ne prennent pas de risque en venant à l’hôpital, ils prennent un risque en ne venant pas »
Quid des patients atteints d’une maladie chronique du cœur ? Pour les patients déjà pris en charge, notamment dans le cas d’une insuffisance cardiaque, d’un diabète ou d’une hypertension artérielle, « le suivi est établi par le téléphone et la téléconsultation, en prévention d’un déséquilibre du traitement ou de décompensations cardiaques ».
Et pour les cas plus lourds ? Selon les recommandations de la Haute autorité de Santé (HAS), les consultations en cardiologie doivent être maintenues pour tous les patients présentant une perte de chance dans les 3 mois à venir. « Tout est mis en place pour honorer ces bilans semi-urgents, prévus avant une opération notamment. Le Covid-19 n’empêche pas ce suivi. » Mais « beaucoup de ces patients annulent leur rendez-vous, par crainte de contracter le coronavirus à l’hôpital », témoigne le Pr Probst. « Il ne faut pas avoir peur de venir, les filières sont organisées pour empêcher toute contamination, des salles d’échographie cardiaque sont dédiées pour les cas de Covid-19 et les appareils sont nettoyés à chaque passage. Les patients ne prennent pas de risque en venant à l’hôpital, ils prennent un risque en ne venant pas », appuie le Pr Probst. Une recommandation donc, maintenez vos bilans si votre cardiologue vous appelle.
*et directeur du Centre de référence des troubles du rythme cardiaque héréditaires ou rares de l’Ouest
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Source : Interview du Pr Vincent Probst, chef de service de cardiologue au CHU de Nantes, directeur du Centre de référence des troubles du rythme cardiaque héréditaires ou rares de l'Ouest, le 20 avril 2020
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet