Vaccination : un impact psychologique encore difficile à évaluer
09 juin 2021
Caractérisé par un relâchement des comportements suite à la première dose de vaccin anti-covid, le « syndrome du vacciné » nous rappelle – si besoin en était – que la vaccination est aussi une affaire de psychologie. Que change le vaccin dans nos têtes ? Tentatives de réponses.
La vaccination ? Ce sont d’abord des faits : d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle permet d’éviter 2 à 3 millions de décès par an. Mais bien souvent, l’argument n’est pas suffisant pour convaincre les sceptiques. Et pour cause, la « psychologie du risque », comme l’appelle Sandrine Gaymard, professeure de psychologie sociale à l’Université d’Angers est aussi – et surtout ? – une question de « représentations ». Cette spécialiste des normes et du risque dans le champ de la pensée sociale, rappelle que « les comportements (en matière de vaccination, n.d.l.r.) sont à rapprocher des croyances, des univers d’opinions. Ces représentations sont construites dans les échanges. Les communications qui sont déterminantes dans la psychologie du risque ». Résultat, « ce n’est pas la démonstration scientifique qui prime mais ces théories ‘naïves’. Parce qu’elles ont du sens pour les individus, c’est ‘leur’ réalité ».
Libérés ?
Et qu’en est-il de « leur réalité » une fois vaccinés ? Se sentent-ils soulagés ? Libérés ? La vaccination est-elle perçue comme un passeport vers la vie d’avant ? « C’est curieux mais à l’issue de la première dose, je me suis sentie plus légère », nous décrit Delphine, qui continue de porter le masque et de respecter les gestes barrière. Cette parisienne de 44 ans ne se considérait pas pour autant angoissée par le virus. « Mais pour protéger mes proches âgés, je me suis beaucoup restreinte au niveau de mes relations sociales et familiales ». Pour Sandrine Gaymard, « Il est difficile de connaître l’impact psychologique de la vaccination. Cela dépend effectivement de qui est vacciné, dans quel contexte et pourquoi il ou elle le fait ». Alors que des recherches commencent à être réalisées sur le sujet, elle ajoute toutefois : « nous rapportons par exemple, des cas de personnes qui se font vacciner mais qui n’arrivent pas à reprendre une vie normale et qui ont encore plus peur de l’infection ».
Plus stressés qu’avant…
En effet, une étude de l’American Psychological Association (APA) a montré qu’un peu moins de la moitié des Américains (49%) redoutaient les interactions sociales. Et ce, indépendamment qu’ils soient vaccinés (48%) ou non (49%). De la même façon, 47% des vaccinés se sentiraient encore plus stressés qu’avant la pandémie ! La vaccination ne va donc pas rouvrir toutes les portes de la vie d’avant. En tout cas, pas de façon immédiate. « Nous devons investir pour aider les Américains à se rétablir mentalement et physiquement », préconise même l’APA. Et l’universitaire angevine de conclure : « Il y aura des effets psychologiques à long terme. Des habitudes ont été prises avec le masque et la distanciation. Et l’on n’en changera pas du jour au lendemain ». Que l’on soit vacciné ou non.
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Source : Interview Sandrine Gaymard, 7 juin 2021 – - Gaymard, S., Hidrio, R., Cohen, G., Isahakyan, A., Loisel, M., Renier, M. & Bessin M. (2020). Sphères publiques et représentations sociales du vaccin : analyse chez les pro-vaccins vs anti-vaccins, Communication, 37(2 - Stress in America, one year later, APA, 11 mars 2021
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Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet