Variole, faut-il détruire tous les échantillons ?
10 juillet 2014
Le virus de la variole. ©CDC/Fred Murphy
Le virus de la variole dans une boîte en carton. C’est ce que des chercheurs de la FDA ont trouvé le 1er juillet dernier sur un campus américain. Il était rangé dans des fioles scellées depuis… les années 1950. Cette découverte surprenante repose la question de l’opportunité de détruire tous les échantillons du virus, pourtant éradiqué en 1980, encore conservés à ce jour.
C’est sur le campus de Bethesda, dans le Maryland (Etats-Unis) que la boîte en carton contenant des fioles estampillées « variole » a été trouvée, à l’occasion d’un déménagement. Rangée dans un laboratoire appartenant à la Food and Drug Administration (FDA) américaine, elles y séjournaient depuis au moins… 60 ans !
Oublié depuis toutes ces années, le virus, extrêmement résistant, pourrait être encore vivant. C’est en tout cas l’hypothèse que vont vérifier les scientifiques américains en le répliquant dans un laboratoire sécurisé. « Une mauvaise idée », selon le Pr Bruno Lina, virologue à Lyon. « Un accord international stipule d’ailleurs que tout le matériel contenant de la variole doit être détruit, à l’exception de celui conservé dans deux laboratoires hautement sécurisés ». Depuis l’éradication de la variole en 1980 en effet, le virus est stocké aux Etats-Unis par les CDC d’Atlanta et en Russie, par le Vector Institute, à Novosibirsk. Tous deux classés P4.
« Plus personne ne cultive, ni ne travaille sur ce virus depuis longtemps », précise le virologue. « Le remettre en culture par curiosité intellectuelle n’est pas une bonne idée à mon avis. » Il poursuit. « Cette expérience n’apportera rien en termes de prise en charge de la maladie. » En outre, prendre un risque même infime de retour de la variole serait catastrophique. « C’est une maladie terrible qui tuait 1 personne infectée sur 3 », rappelle-t-il.
Conserver au cas où
Mais alors, pourquoi conserver ce virus redoutable dans les deux laboratoires P4 autorisés ? « Ce débat revient régulièrement devant l’Assemblée mondiale de la Santé à l’OMS », note Bruno Lina. Sans succès. En effet, « les deux détenteurs ne souhaitant pas détruire les stocks, la discussion est reportée d’année en année. »
« Je ne comprends pas bien l’intérêt de conserver ce virus », estime-t-il. Même si certains arguments en faveur de la conservation semblent valables. « Certains considèrent ainsi qu’on ne peut avoir la certitude absolue qu’aucun échantillon de ce virus très résistant n’est oublié quelque part dans la monde. Comme dans ce cas précis », explique le Pr Lina. « Il ne serait donc pas raisonnable, selon ces scientifiques, de détruire le virus. Car en cas de réémergence de la maladie, nous serions bien contents d’avoir accès à un spécimen bien caractérisé, dans un environnement sécurisé. » Il s’agit là d’un argument de santé publique. Mais à l’inverse, le risque de fuite n’étant jamais de 0%, « ne pas le détruire va à l’encontre de la santé publique… », conclut-il.
La variole, aussi appelée petite vérole, se traduisait par de la fièvre et une éruption cutanée de pustules, avec parfois des hémorragies, et laissait les survivants mutilés à vie par les cicatrices. Cette maladie faisait 2 millions de victimes par an dans le monde avant d’être éradiquée officiellement en 1980. Le dernier cas de variole contracté de manière naturelle fut diagnostiqué à Merca en Somalie, le 26 octobre 1977. Avec un taux de mortalité qui a pu dépasser 30% dans certaines variantes, la variole est sans doute l’un des virus les plus dangereux qu’ait connu l’humanité.
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Source : Nature, 9 juillet 2014 – Interview du Pr Bruno Lina, virologue à Lyon, 10 juillet 2014
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet