Vendée Globe : la solitude, amie ou ennemie ?
15 janvier 2025
64 jours. C’est le temps qu’il aura fallu à Charlie Dalin pour boucler son tour du monde lors de l’édition 2024 du Vendée Globe. 65 pour son dauphin Yoann Richomme. Plus de 2 mois seuls. D’autres skippers sont toujours en mer et doivent apprivoiser cette compagne de voyage un peu particulière qu’est la solitude. Gérard Vaillant, coach mental qui a travaillé sur cette édition avec Jérémie Beyou et Eric Bellion, et qui avait accompagné Charlie Dalin voici 4 ans nous en dit plus.
La solitude, compagne des marins du Vendée Globe, se révèle être une expérience unique et personnelle pour chaque navigateur. Car lorsqu’ils se retrouvent seuls au milieu de l’océan, loin de toute présence humaine, chacun fait face à une forme d’isolement. Cela devient une expérience à la fois physique et mentale. Cet isolement peut :
- mettre à rude d’épreuve la concentration et la lucidité d’un marin ;
- accentuer les doutes et la fatigue et aggraver les situations de crise et les prises de décision.
Des marins bien préparés
Les participants au défi du Vendée Globe abordent la solitude grâce à une combinaison de préparation mentale, de stratégies pratiques et de technologie de pointe. De nombreux marins travaillent des mois voire des années avant l’échéance avec des psychologues et des préparateurs mentaux pour développer leur résilience et leur capacité à gérer le stress.
« On se prépare plus ou moins à la solitude», nous explique Gérard Vaillant.« Chacun l’appréhende différemment selon son histoire personnelle, s’il a des enfants… Il faut donc vérifier s’il s’agit d’un sujet de tension. Dans la mesure où l’on nous interdit de coacher les skippers en course, la gestion émotionnelle doit être travaillée très en amont. Cela passe par de la méditation, de l’autohypnose… Mais aussi par ce que j’appelle de l’intelligence émotionnelle. On ne va pas se dire que l’on n’a pas peur si l’on a peur. C’est pourquoi, même si cela ne fait jamais plaisir aux marins, on se prépare à toutes les situations, à toutes les catastrophes, on travaille sur des dizaines de scénarios… pour réagir au mieux en cas de coups dur ».
Ainsi, certains participants, « mais pas tous », précise le coach mental, effectuent des exercices d’entraînement intensifs dans des conditions proches de celles d’une course. Ces simulations permettent non seulement d’affiner les compétences techniques, mais aussi de vivre l’isolement, préparant ainsi l’esprit à de longues périodes de solitude.
Gérard Vaillant insiste également sur la gestion du temps, essentielle pour ne pas se laisser submerger. Les marins suivent des routines strictes qui incluent de courtes périodes de sommeil, l’entretien du bateau, la préparation des repas et une surveillance constante des conditions de navigation. « L’idée est de rester dans la normalité tout en cherchant à s’adapter à l’imprévu. »
Des marins sereins
Entre désir d’aventure et défi psychologique, certains skippers s’étaient d’ailleurs confiés sur le sujet pour le site du Vendée Globe avant de prendre la mer en novembre 2024. « Je ne suis pas plus que ça un solitaire sur terre », livrait Benjamin Dutreux, 34 ans, avant son deuxième Vendée Globe. Pourtant, une fois en mer, une métamorphose s’opère. Cette « bascule » psychologique, comme il l’a décrit, transforme l’expérience de la solitude en stimulation professionnelle.
Pour Violette Dorange, 23 ans et benjamine de l’édition 2024, la solitude en mer devient paradoxalement un espace de liberté créative. Introspective par nature, elle redoutait avant le départ davantage l’ennui que l’isolement, s’armant de podcasts et messages de proches pour maintenir un lien avec la terre ferme.
Une solitude choisie
Car comme le soulignait Clarisse Crémer (participante 2024) , « c’est une solitude choisie, à durée déterminée, ça n’a rien à voir avec une solitude sociale subie, dont souffrent au final bien plus de gens dans notre société, et qui est bien plus violente ». Même si, comme le souligne cette mère d’un jeune enfant, la dimension familiale ajoute une couche de complexité à cette expérience solitaire : « être éloignée de sa fille, surtout pendant la période des fêtes, c’est beaucoup plus dur à vivre. »
« Les mômes, c’est terrible ! », a réagi de son côté Romain Attanasio qui boucle son troisième Vendée Globe, se souvenant du « bon coup de bambou au moral quand tu reçois la vidéo de ton gosse qui ouvre ses cadeaux de Noël ».
Pas vraiment seuls…
L’évolution technologique a néanmoins transformé cette aventure solitaire. « Si le routage reste interdit, les moyens de communication modernes, comme WhatsApp ou Zoom permettent des échanges plus fréquents avec la terre et la famille », ajoute Gérard Vaillant.
Une modernité qui divise néanmoins. Certains skippers cherchent en effet l’équilibre entre le besoin de connexion et le désir d’une expérience authentiquement solitaire.
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Source : https://www.vendeeglobe.org/ - Interview de Gérard Vaillant, Coach mental
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Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet