Violences sexuelles, le tabou permanent
02 décembre 2011
« Dans un tiers des cas, les violences sexuelles sont tues » nous explique le Dr Nathalie Vabres, pédiatre au CHU de Nantes. Une pédiatre ? Oui, car la question des violences sexuelles à l’encontre des enfants a été au cœur du premier colloque national « Violences faites aux femmes… Conséquences du sexisme ordinaire ». Organisé notamment par l’association Gynécologie sans frontières (GSF) et la mission départementale (Loire-Atlantique) des droits des femmes, il s’est tenu le 25 novembre dernier à Nantes.
C’est là un thème particulièrement sensible et difficile à aborder « surtout pour les victimes » qui ont tendance à se murer dans le silence. Un silence que le Pr Jean-Michel Rogez, spécialiste de chirurgie pédiatrique et doyen de la faculté de médecine de Nantes, associe « au poids de la culture, de la société, des religions». Un silence aussi, causé par un sentiment de culpabilité, ressenti dès le plus jeune âge.
Pas facile de repérer les signes d’alerte !
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les violences sexuelles à l’encontre des enfants sont presque toujours intra-familiales. Pour les victimes, leur révélation est d’autant plus difficile. « En plus des menaces, il y a la peur de briser l’unité familiale» insiste le Dr Nathalie Vabres. .
Pourtant, il est essentiel pour leur reconstruction psychologique, que les victimes puissent expurger ce sentiment de culpabilité. La première étape consiste à parler. Qu’elle soit échangée avec un ami, un parent, un psychologue ou un enseignant, la parole est indispensable. C’est une démarche très compliquée. Voilà pourquoi, selon le Pr Rogez, « les professionnels de santé et de l’éducation doivent être davantage en alerte vis-à-vis des signes susceptibles de traduire des violences sexuelles ».
Et pour Nathalie Vabres, « les signes de violences reproduits par un enfant sont parfois, une manière de révéler les violences qu’il a lui-même subies ». Certes mais dans la « vraie vie », peu d’enseignants et de professionnels de l’éducation ou de la santé se risquent à effectuer des signalements aux services sociaux. Et pour cause, il convient d’être certain que l’enfant est bien victime de violences…
Malheureusement en effet, aucun symptôme ne signe véritablement l’existence d’une violence sexuelle. Reste la prévention. C’est la meilleure protection pour ces enfants explique le Pr Henri-Jean Philippe, gynécologue et président de Gynécologie sans Frontières. « Il faut davantage profiter de nos consultations, en tant que médecins au contact de femmes enceintes, pour en parler. Cela permet d’organiser un suivi autour de celles qui ont connu des violences dans leur passé, et de préserver leurs enfants contre d’éventuelles violences». Et les hommes ? D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), « 5% à 10% d’entre eux déclarent avoir été victimes de violences sexuelles durant leur enfance ». Est-ce le début d’émergence d’un autre iceberg ?