Des zones d’ombre autour du futur CHU de Nantes

27 juin 2017

C’est un projet titanesque, le premier investissement hospitalier français des années à venir… Le futur CHU de Nantes devrait être livré en 2026, en cœur de métropole, ce qui n’est pas courant pour un nouvel établissement de ce type. Et sur une île, ce qui l’est encore moins. Coup de projecteur sur ce chantier présenté comme « l’invention d’un nouveau modèle hospitalier »… et les questions qu’il pose.

Le 20 juin dernier, l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine et la direction du CHU de Nantes ont présenté l’avant-projet sommaire (APS) de ce qu’ils nomment un « quartier hospitalier », à l’image par exemple du Northwestern Memorial Hospital de Chicago. Une emprise au sol de 10,1 ha lui est réservée. Il sera le résultat de l’addition de l’actuel Hôtel-Dieu et de l’hôpital Nord-Laennec qui s’étalent respectivement sur… 18 ha et 49 ha.

« Cet établissement nous permettra d’envisager de nouvelles façons de soigner, autour des parcours de soins et de la prévention », a souligné le Pr Antoine Magnan, le président de la Commission médicale d’établissement (CME). Pour justifier ce changement d’échelle et la configuration de cette infrastructure, concepteurs et soignants insistent en effet sur la médecine 4P (Préventive, Prédictive, Personnalisée et Participative), sur le développement de l’ambulatoire, de l’hospitalisation à domicile etc. Le tout, sur fond de bouleversements numériques si importants qu’il est difficile voire impossible d’imaginer ce que proposera la technologie dans 10 ans. « C’est pourquoi, le projet doit également être intuitif et évolutif », glisse Jean-Philippe Pargade, l’architecte. L’objectif est de sortir de « l’hôpital-machine ». Philippe Sudreau, l’actuel directeur du CHU parle même d’« hôpital du bien-être »…

Enjeux d’accessibilité

Au-delà de l’aspect ‘carte postale’, ce futur « quartier hospitalier » est une succession de paris. Sur de nouvelles façons de soigner donc, mais pas seulement. Le pari aussi « de disposer d’un nouvel établissement de cette envergure en centre-ville », concède Jean-Philippe Pargade. D’autant plus sur une île, qui accueillera demain plus de 30 000 habitants et autant d’actifs… Les problématiques d’accessibilité autour des franchissements de Loire constituent donc un enjeu majeur. Chaque jour, 650 000 sont recensés à l’échelle de la métropole. Compte-tenu de l’augmentation de la population, il faudra en compter environ 100 000 de plus en 2030…

Les concepteurs de ce futur CHU parient donc aussi sur un bouleversement des habitudes de mobilité. Y compris pour se rendre à l’hôpital. La voiture ne sera clairement pas la bienvenue puisque l’établissement devrait surtout être desservi par les transports en commun. « L’annonce récente de deux nouvelles lignes de tramway par la métropole a rassuré les soignants », souligne Laeticia Fendler, la directrice du pôle investissements, logistique du CHU. Mais qu’en penseront les futurs patients et leurs proches, qui ne viendront pas forcément de la métropole ? Sans oublier les va-et-vient incessants de véhicules sanitaires légers (VSL)…

Une « catastrophe annoncée » selon une association

Un autre pari porte sur la résilience du futur CHU face au risque de crue milléniale, un événement exceptionnel, conjonction de plusieurs facteurs entre les marées, les vents, les précipitations. Car la nappe phréatique n’est pas si loin. Conséquence, les éléments logistiques et techniques devraient être portés en hauteur plutôt qu’en sous-sol.

A Nantes, l’association GAELA (pour Groupement d’Analyses et d’Etudes de Loire-Atlantique) qui regroupe des « contributeurs ayant exercé des responsabilités dans le secteur privé comme dans le secteur public » est très critique sur le choix de l’Ile de Nantes pour ériger ce CHU. Elle évoque même « une catastrophe annoncée ».

Ses représentants redoutent aussi un dépassement des coûts, 953 millions d’euros en valeur finale, dans une enveloppe financée à hauteur de 76,95% par le CHU et 23,05% par l’Etat. A noter que ce montant n’intègre pas le transfert de l’Institut de Cancérologie de l’Ouest (ICO), situé à Saint-Herblain, près de l’hôpital Nord-Laennec. L’ICO est pourtant bien prévu au sein de ce futur quartier. Mais sa migration apparaît encore loin d’être actée, notamment pour des raisons financières.

  • Source : CHU de Nantes, 20 juin 2017 – Association GAELA

  • Ecrit par : David Picot – Edité par : Dominique Salomon

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