Bientôt un ‘super-virus’ grippal A/H7N9 créé en laboratoire ?

08 août 2013

Le virus aviaire A/H7N9 a été identifiée pour la première fois en février 2013 en Asie. ©Destination Santé

Ça bouge (un peu) sur le front du virus grippal A/H7N9. Dans le British Medical Journal (BMJ), une  équipe chinoise fait état d’une « probable transmission interhumaine » survenue en… mars dernier ! Dans les revues Science et Nature, 22 virologues signent ce jeudi une lettre dans laquelle ils font part de leur volonté de créer un supervirus A/H7N9, hautement pathogène. Leur objectif est d’anticiper une mutation de la souche et les risques éventuels en cas de pandémie. Mais la réalisation d’un tel travail fait débat…

Des scientifiques chinois décrivent en effet le cas d’un homme de 60 ans qui fréquentait régulièrement des marchés aux volailles, dans l’Est de la Chine. Il a été hospitalisé le 11 mars dernier, souffrant de troubles respiratoires. Ces derniers se sont subitement aggravés si bien qu’il a été transféré dans une unité de soins intensifs le 15 mars. Il est décédé le 4 mai.

Entre ces deux dates, sa fille de 32 ans, lui a régulièrement rendu visite à l’hôpital, « sans protection spécifique », précisent les auteurs, dans le BMJ. Elle a présenté des premiers symptômes grippaux le 24 mars, avant de décéder le 24 avril.  Les chercheurs ont analysé les souches grippales isolées sur chacun de ces deux patients. « Elles étaient identiques d’un point de vue génétique, ce qui suggère une transmission du père à la fille », poursuivent-ils.

Grégory Härtl, directeur du département médias de l’OMS relativise la portée de ce travail. « Il n’apporte rien de nouveau en termes de santé publique. Nous étions au courant au moment de la survenue du cas. D’ailleurs, cela n’est pas le seul cas de transmission interhumaine. Nous en avons 2 ou 3 autres possibles ».

Au 20 juillet 2013, l’OMS avait recensé 134 cas d’infections humaines dont 43 mortels. La situation a semble-t-il peu évalué au cours de ces dernières semaines. Mais l’OMS se prépare à une possible « résurgence en automne ou plutôt en hiver », précise Grégory Härtl. De son côté, le Dr Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence pour la grippe à l’Institut Pasteur (Paris) tient également à rassurer : « à l’heure actuelle, nous sommes toujours face à un virus qui n’a pas les capacités à se multiplier à grande échelle ».

Le ‘super-virus’ qui pose question

En marge de la publication de ce travail dans le BMJ, une lettre publiée simultanément dans les revues Science et Nature par 22 virologues fait grand bruit. Les auteurs – conduits par le Néerlandais Ron Foucher et le Japonais Yoshihiro Kawaoka font part de leur intention de créer des formes mutantes très pathogènes de la souche A/H7N9. Le débat sur la dangerosité de telles manipulations et la crainte d’éventuelles dérives bioterroristes refait surface, comme c’était le cas en 2011 avec le virus A/H5N1.

Sur le fond, « d’un point de vue scientifique, ce type de recherches apparaît logique », nous précise Vincent Enouf. « L’objectif est de mieux connaître le virus et d’anticiper son éventuelle évolution dans la nature. Sur la forme, « cette lettre semble politique et stratégique, histoire de mesurer les réactions de chacun », avant de se lancer.

A noter qu’aucun virologue français ne fait partie des 22 signataires. « C’est vrai », poursuit le Dr Enouf. « Sans doute parce que dans notre pays, nous ne faisons pas ce genre de manipulation sur les animaux. Cela exige d’importants moyens sur les plans technique et financier. Nous travaillons ‘in vitro’, c’est-à-dire sur les souches. Si d’autres le font, c’est très bien ».

Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Source : BMJ 2013; 347 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.f4752 , 8 août 2013 - Nature 500, 150–151 (08 August 2013) doi:10.1038/500150a, 8 août 2013 – Interview du Dr Vincent Enouf, 8 août 2013 – Interview de Gregory Härtl, 8 août 2013.

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