Le cannabis s’en prend à la rétine
17 février 2014
Des médecins français vont étudier l’impact de la consommation régulière de cannabis sur le fonctionnement du cerveau, en s’appuyant sur les troubles de la vision. ©Phovoir
Comment la consommation régulière de cannabis endommage-t-elle la réactivité visuelle ? Pour le savoir, des chercheurs français viennent de lancer une étude auprès de fumeurs réguliers. Objectif : préciser le lien entre la destruction des neurones provoquée par l’usage de cannabis et les perturbations du système oculaire.
« Contrairement à la déficience de la mémoire, les troubles de la vue associés à la consommation de cannabis sont encore mal connus », explique le Dr Vincent Laprévote, addictologue au CHU de Nancy (INSERM -Interpsy), l’un des deux médecins à l’origine de l’étude lancée ce mardi 11 février.
L’hypothèse ? De fortes consommations de cannabis dès l’adolescence endommageraient les systèmes de communication entre les neurones. Lesquels sont particulièrement impliqués dans la vision humaine. « Il se peut que leur destruction altère la réactivité de la rétine, ce qui réduirait les capacités de coordination et de concentration », précise-t-il.
« Si cette hypothèse se vérifie, nous aurons trouvé un marqueur des risques liés à la consommation de cannabis, une aide pour prévenir le risque d’addiction et mieux conseiller les usagers à arrêter ». Un dispositif d’accompagnement à l’arrêt sera d’ailleurs proposé à chacun des consommateurs de cannabis, dès la fin de leurs tests.
18 mois de test
Au total, 180 volontaires âgés de 18 à 55 ans participeront à l’étude. Trois groupes ont été formés en fonction des habitudes de consommation.
- Le premier rassemble des consommateurs fumant du cannabis au moins 7 fois par semaine depuis plus d’un an. « Préoccupés par leur état de santé, les consommateurs de cannabis participant à l’étude souhaitent connaître les effets concrets de l’addiction sur leur santé », précise le Dr Vincent Laprévote
- Le second groupe est constitué de fumeurs réguliers de tabac, et le troisième de personnes ne fumant ni tabac, ni cannabis. Pendant un an et demi, chacun des volontaires passera – tour à tour – deux demi-journées de tests approfondis.
Après un bilan de santé complet, des examens urinaires, des tests de mémoire et des questionnaires liés aux habitudes de consommation, deux techniques mesureront la réactivité à des stimuli visuels de la rétine. Et ceci grâce à un électrorétinogramme. « Soit un examen de mesure électrique de l’œil lorsqu’un signal lumineux lui est envoyé, pour voir ce qui se passe dans les 200 premières millisecondes de réaction du cerveau ».
Ensuite cette réactivité sera mesurée par 64 capteurs placés sur leur crâne. « La plupart des atteintes du nerf optique ne sont pas visibles à l’œil nu. Il faut donc mesurer l’activité des régions du cerveau par électroencéphalogramme, un dispositif électro-physiologique nous assurant une approche très fine ».
-
Source : Interview du Dr Vincent Laprévote, addictologue au CHRU de Nancy – le 6 février 2014
-
Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet